Le ghetto intérieur n’est pas dans les finalistes du Goncourt, et je pense qu’il y aurait eu sa place. Cependant, contrairement à beaucoup d’avis dithyrambiques sur ce roman, inspiré de l’histoire de la vie du grand-père de l’auteur, je suis plus modérée.
L’histoire, donc, est celle de ce grand-père juif qui a fui l’Europe à la fin des années vingt. Il a fui la vieille Europe, gangrénée par la misère, par l’antisémitisme grandissant, écoeuré par la non reconnaissance de ses faits d’armes pour libérer son pays, la Pologne. Il a vogué vers ce nouveau continent, plein de promesses, avec son ami d’enfance. Il a aussi fui sa mère, un peu encombrante, un peu envahissante, comme toutes les mères juives. Et puis, quand l’indicible s’est produit, il a culpabilisé d’avoir fui, d’avoir laissé sa mère, son frère et sa soeur, de ne pas avoir mis plus de moyens en place pour les convaincre de le rejoindre, ou carrément, d’être allé les chercher.
Ce livre, donc, est celui d’une culpabilité atroce, écrasante, qui a bouffé sa vie et celle des siens, jusqu’à l’anéantissement, le silence, et l’oubli dans le jeu. Moi ce que je trouve intéressant, c’est que la famille de l’auteur a dû faire le chemin retour vers la vieille Europe, au moment de la dictature en Argentine. J’aurais aimé plus de parallèles, plus de symétrie entre les deux fuites. J’aime que l’auteur, lui, n’ait jamais ressenti cette culpabilité de la fuite.
Chez moi, les survivants ont toujours été considérés comme des héros, comme des chanceux, et les descendants de ces survivants, ont forcément la baraka vissée dans les gènes. Ceux qui sont morts, sont morts en vain, comme pour toutes les familles qui ont été décimées, mais ceux qui ont survécu ont eu de la chance. Et ce manque de reconnaissance sur ce que lui a donné la vie, ça m’a dérangé. C’est complètement subjectif et personnel, et je reste quand même persuadée que ce livre avait sa place parmi les finalistes, avec l’histoire de ce destin accablant.
Une réflexion au sujet de « Le ghetto intérieur – Santiago H. Amigorena (190 pages) »