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Les aventures de Kurtis, la fiancée du démon – Eliade Maldor (494 pages)

L’univers de l’heroic fantasy n’est pas ma tasse de thé. Néanmoins, en toute objectivité, l’histoire plaira sûrement aux adeptes du genre. C’est bien construit, l’univers est complet, avec ses cartes, sa structure sociétale, son historique, ses guerres fondatrices, son clan du bien, son clan du mal.

Un jeune prophète voit en songe une jeune fille l’appeler au secours, enlevée par des adeptes de Baal, qui encensent des pratiques démoniaques. Il va convaincre son supérieur de partir à sa recherche.

Là où c’est intéressant, c’est qu’au fond, l’auteur aurait pu juste écrire un roman historique qui se serait déroulé au moyen âge sous l’inquisition, par exemple. D’ailleurs, il en reprend les codes, les quêtes d’absolu, les moyens de pression. Il s’est également inspiré de l’époque des guerres puniques, en reprenant sa mode vestimentaire et certains noms qui ont marqué l’histoire. Mais n’importe quelle époque où les hommes ont été convaincus de détenir une vérité religieuse absolue qui justifie la traque de l’hérésie, les crimes d’innocents et toutes les exactions qui se réclament de Dieu aurait pu également convenir. Ici, la tolérance devient suspecte et une marque de naissance sur le corps peut mener au bûcher.

J’espère juste que l’auteur va s’équiper d’un Bescherelle pour corriger ses passés simples fantaisistes qui font mal aux yeux. Ce point noir met un sérieux bémol au texte.

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Il y a un bon Dieu pour les anarchistes – Marie Bellando Mitjans (148 pages)

Rosa est une sorcière. Elle vit et meurt et renaît, et fait passer les morts dans l’autre monde. On la suit en tant qu’homme, en tant que femme, selon ses réincarnations, on la suit en poilu de la première guerre ou esclave noire aux Etats-Unis. Mais en filigrane, Rosa est amoureuse et elle qui lit généralement à livre ouvert les humains, elle se heurte cette fois à un esprit au moins aussi fort que le sien. Un joli petit ouvrage qui parle de vie, de mort, de racisme, de tolérance, d’histoire… et d’amour.

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La dixième muse – Alexandra Koszelyk (280 pages)

Un des plus beaux vers de la poésie française est sorti du cerveau un peu fantasque de Guillaume Apollinaire : “et mon verre s’est brisé dans un éclat de rire.”

Alexandra Koszelyk réussit la prouesse de nous emmener sur le terrain glissant de la fiction magique sans se casser la figure et sans un seul instant friser le ridicule tout en parvenant à nous transmettre l’essentiel de la biographie du poète qui a révolutionné la poésie sans étaler son érudition et ses recherches colossales. Elle aborde aussi un aspect plus méconnu de la vie de l’artiste, son amour de la nature, en faisant t directement parler Gaïa, la terre nourricière.

Elle met en scène un obscur prof d’allemand qui, du jour au lendemain est obsédé par Apollinaire, rêve de moments qui lui semblent réels, et démarre des recherches approfondies sur l’homme, son histoire et sa littérature.

Un roman instructif et abordable pour nous replonger dans l’œuvre et la vie de ce poète au destin singulier.

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Kétamine – Zoé Sagan (489 pages)

Vous ne sortirez pas indemne de la lecture de Kétamine. Zoé Sagan décortique pour vous les aspects les plus glauques des mondes dorés et des paillettes de la publicité, de la mode, du cinéma, de l’édition. Le faux, le clinquant, les abus de ceux qui se croient au-dessus de tout et de tous, au-dessus des lois. Vous avez immédiatement envie de commenter son livre, de débattre et d’échanger avec elle sur cette sorte de catharsis, quelles que soient vos opinions.  Elle a une plume indéniable et la prête à ceux qui ont plus de difficultés à s’exprimer. Une passionaria moderne. Ce roman est fondé sur des textes initialement publiés sur Facebook et retravaillés pour le roman. Une boule d’énergie qui n’a peur de rien ni de personne. Qui dénonce le pire dans des milieux aseptisés et qui se moque de ses acteurs pathétiques. Zoé est une idéaliste. Un peu trop par moment. Elle a un regard tellement juste sur la société qu’on en oublie parfois son immense jeunesse. Heureusement qu’à vingt et un an, certains jeunes ont envie d’un avenir meilleur, ont envie de croire à un monde plus juste. On attend la suite avec impatience.

Ouf ! – Phileas (160 pages)

Un pari stupide, écrire un livre en un mois, c’est le défi qu’a accepté de relever ce procrastinateur professionnel. Mais au fur et à mesure qu’il tente quand même de tenir sa promesse, tout semble se liguer contre lui… en alimentant sa procrastination.

Dans un style moderne, on suit les déboires de ce type, tour à tour avec attendrissement, compassion et agacement. Mais les éléments perturbateurs qui viennent se greffer à son entreprise sont de plus en plus loufoques, ouf, quoi ! Serait-ce lui qui devient dingue ? Avec ce qu’il ingurgite et le stress qui l’empêche de dormir, tout prête à y croire.

De belles trouvailles de formules, une histoire déjantée,  un livre original complètement dément.

Tout commence par un rêve – Laurence Orsini (148 pages)

J’écume décidément des univers que je ne lis pas beaucoup d’habitude. Cette fois, grâce au salon du livre éphémère, je me suis plongée dans une histoire de science fiction qui s’adresse plutôt à un public grands ados/jeunes adultes.. 

Sophie et Clara, deux IA, découvrent par hasard leur inhumanité. Mais qu’est-ce qu’être humain dans un monde où il n’y a quasiment plus de vrais humains ? Comment se sauver de ce cycle et comment sauver ce qu’il reste de faune, de flore et d’êtres humains ? La conséquence de cette découverte les emmènera dans une épopée autour du monde, pour sauver l’humanité. Pour y arriver, elles devront trouver des alliés et se méfier de ceux qui se battent pour maintenir le système existant en place, quel qu’en soit le prix..

Bien écrit et haletant, on espère vraiment que la maman et sa fille réussiront leur mission semée d’embûches et de dangers, mais aussi de belles rencontres. Qui sait ce qu’elles trouveront tout au bout de leur chemin exaltant?

Le prix de l’arrogance – Cristina De Azevedo (336 pages)

Il faut profiter du confinement pour sortir de sa zone de confort. C’est ce que j’ai fait en m’attaquant à cette Romantic Fantasy, très loin de mon univers habituel.

Sandra, une jeune femme pure et pas très jolie et Gabriel, un beau chirurgien esthétique arrogant vont se rencontrer et se partagent les chapitres à tour de rôle. Quel est donc ce collier étrange qu’elle n’arrive plus à enlever depuis qu’elle l’a passé autour de son cou, ses amies l’ayant trouvé au pied de sa voiture accidentée ? Peu à peu, d’autres phénomènes de plus en plus étranges surviennent. 

Sandra arrivera-t-elle à se débarrasser du collier ? Gabriel comprendra-t-il enfin que son manque d’empathie le dessert dans la vie et qu’il ferait bien d’être un peu moins arrogant?

Ça se lit bien, une petite parenthèse de légèreté dans notre monde de confinement.

Les chemins de l’impossible – Thierry Vernhes (285 pages)

Après une nouvelle assez classique, mais bien ficelée, on part dans l’univers foutraque, barré et déjanté de Thierry Vernhes.

Cartésiens, s’abstenir ! Vous y croiserez tour à tour des fées, des bancs qui parlent des voyages dans le temps, un appareil photo maléfique, une New York dystopique, un prêtre lubrique, un romancier bon pour l’asile, un élu socialiste qui se prend pour Hitler et j’en passe.

Tout ce petit monde se croise et se décroise au fil d’histoires improbables. Ainsi nous mène cheminer Thierry Vernhes vers l’impossible. Délirant !

Hors champ – Sylvie Germain (196 pages)

« Je suis un personnage inconnu, inachevé, en évolution, ou plutôt en altération constante ». A l’instar du passe-muraille, de Marcel Aymé, de la métamorphose, de Kafka ou de Truismes, de Marie Darieussec, cette histoire est l’histoire d’une transformation. Cette fois, le héros, beau gosse qui a un appartement, un boulot, une copine amoureuse, une maman sympa et un frère handicapé se met peu à peu à disparaître.

De flou, il devient transparent, puis de transparent, invisible, à son grand désarroi. Les gens l’oublient peu à peu, ils ne se rappellent pas son existence, ni même qu’il a existé. Et que c’est triste, cette histoire de type qui se désagrège tout en continuant à se sentir, lui, bien vivant. A ressentir dans sa chair que plus personne ne voit, les coups et les meurtrissures. C’est triste comme toutes ces oeuvres où, de normal, on devient anormal, et que le regard de l’autre change. Sylvie Germain a eu le prix Goncourt des lycéens avec Magnus, et le prix Femina avec Jours de Colère. Il faut que je lise autre chose d’elle, car son style m’a emballé, mais l’histoire m’a déprimée.

2084 – Boualem Sansal (275 pages)

Après avoir lu « le village de l’Allemand » de ce même auteur – que je vous conseille vivement-, je me suis jetée sans frémir sur « 2084 ». Ayant déjà lu Boualem Sansal, je sais que son style est fluide, et très agréable à lire. Dans 2084, il nous plombe avec des formules alambiquées, qui correspondent au thème et à l’ambiance du livre. Tout est ocre et on bouffe autant de poussière que les protagonistes qui attendent le jour où on les enverra en pèlerinage, le moment tant attendu. Après de nombreuses guerres nucléaires extrêmement sanglantes qui se sont déroulées tout au long des 20ème et 21ème siècles, la population mondiale a beaucoup diminué. Sansal décrit une dictature religieuse terrible, dirigée par un être immortel (pratique) et fondée sur la délation et la répression absolue. Oui je sais, c’est le principe d’une dictature. Des pogroms, des massacres, des jeux du cirque avec mise à mort sont organisés toutes les semaines pour dissuader les récalcitrants. Leurs familles, leurs amis, leurs proches, tout le monde est tué aussi, au cas où certains voudraient contester. L’ambiance est lourde. Evidemment, dans l’esprit d’un homme, Ati, une graine de question commence à germer. Jusqu’où pourra-t-il aller dans sa réflexion? Peut-on survivre dans une dictature aussi dure où l’esprit des hommes a été réduit au silence? Sansal décrit ce que pourrait devenir le monde si les hommes continuent de se déchirer pour des questions absurdes et pousse le modèle à son extrême. Très bien fait, mais assez indigeste. Lisez donc le village de l’Allemand. Des thèmes similaires y sont abordés, non pas avec plus de légèreté, mais une bien plus grande facilité de lecture.