Je ne sais pas si Virginie Despentes trouverait à son goût la fascination absolue qu’elle a exercée sur moi au travers de cette trilogie fouillée et dense. Pour moi, elle est un génie de l’écriture. Je ne regarde pas de série, alors je ne sais pas ce que vaut l’adaptation avec dans le rôle titre Romain Duris (qui n’a pas les yeux bleus ni un regard magnétique, donc déjà, ça ne colle pas bien), mais je me demande ce qu’ils ont fait de ces mille pages de réflexion philosophique et ce regard acéré sur notre société. Elle part d’un événement dont on pense qu’il va prendre toute la place dans la trilogie, alors que ça devient un détail de l’histoire qui s’efface totalement au profit d’autres intrigues plus marquantes. Elle navigue de personnage en personnage, tous vrais, tous imparfaits, tous dingues, extrémistes, parfois machos, gauchos, fachos, drogués, alcoolos, actrices de porno. Elle a elle-même connu mille vies, et elle peut prétendre être une bonne part de chacun ; Pourtant, ils sont nombreux ! Difficile de les quitter, et on les quitte comme on regarderait la Terre d’un point de l’Univers très éloigné, encore une fois, comme si l’ensemble de l’histoire n’avait pas beaucoup d’importance au regard de la grande Histoire. Mes personnages préférés sont Pamela Kant et Kiko. Mais j’aime bien Marcia aussi. Qui n’aime pas Marcia de toute façon ? Ce roman incroyable, féministe, altruiste, éclairé, visionnaire, m’a collé un gros uppercut au coin de la mâchoire.
« Oublie l’idée de te plaindre de la violence des libéralismes si à la première occasion tu exerces ta force sur autrui. Des mecs incapables de se dire si quand je bois j’empêche la moitié des gens de se sentir bien alors je dois arrêter de boire et trouver quelque chose qui me réussisse mieux ne sont pas des mecs qui veulent repenser l’exercice du pouvoir. C’est juste des mecs qui sont frustrés de ne pas être du côté du maton. »
« Il avait demandé : « t’as déjà été violée ? » Il s’attendait à une anecdote terrible. Elle l’a regardé, horrifiée, « J’ai jamais touché à une bite. Jamais de ma putain de vie. Je ne veux même pas y penser. » et il a eu envie de la serrer dans ses bras. Voilà. Il en avait trouvé une qui n’avait rien à raconter de terrible, ça changeait de l’ordinaire. »
On ne sort pas indemne de Vernon Subutex.


