Galerie

Petits éloges du double – Franck Lanot (225 pages)

50 portraits croisés, en miroir, en opposition, ou en parallèle s’enchaînent sur 225 pages. L’auteur s’amuse, facétieux, à jouer avec les mots et la langue française, en s’appuyant sur de nombreuses assonances et allitérations. C’est sympa, mais au bout de quelques doubles, on voit double, et on ne sait plus si on parle de Rugby ou de Littérature, de Cinéma ou de Politique, de Chanson ou de Personnages fictifs. Un conseil : Piochez donc une histoire de temps en temps, vous la savourerez mieux.

Galerie

Etica y estetica de una existencia – Esther Diaz – Pedro Luis Sotolongo (147 pages)

Ouh la la ! Il y avait bien longtemps que je n’avais pas lu en espagnol ! Pour prolonger ma rencontre avec Ernesto Guevara, dit « Che », je me suis dit que cet essai philosophique sur la vie du révolutionnaire argentin était le moment opportun de sortir ce livre qui traînait dans ma PAL depuis un moment. C’est intéressant le contraste avec « Voyage à motocyclette latinoamericana ». Ernesto, à vingt-trois ans, ne se voyait pas comme un révolutionnaire. Dans son écrit, il le dit : ce qui l’a animé pendant ces neuf mois de tribulations, c’est le taux de remplissage de son estomac. Alors, aujourd’hui, on peut bien sûr voir dans sa jeunesse les prémisses de son engagement futur, ses parents étaient déjà des bourgeois à part, le laissant jouer avec des enfants de toute condition, son père l’emmenait démasquer les nazis qui essayaient de fomenter des complots en Argentine, ils protégeaient les républicains espagnols ayant fui l’Espagne castriste. Il est montré comme la légende qu’il est devenue, c’est pratique un mort pour le transformer en légende. Cet essai est évidemment très parti pris et nous montre un homme asthmatique, certes, mais doté d’une telle force mentale et morale, d’une telle abnégation, que même si les anecdotes sont vraies, on peut soupçonner les auteurs de les avoir légèrement enjolivées. Et j’ai été étonnée de pouvoir me remettre aussi facilement à une langue que je n’ai pas pratiquée depuis un moment. En tout cas, les deux livres se faisaient admirablement résonnance, et c’était le parfait timing pour ce troisième duo de la saison, après les deux livres sur Rimbaud et ceux de, ou sur Edmonde Charles-Roux.

Galerie

Une farouche liberté – Gisèle Halimi avec Annick Cojean (153 pages)

Il y a des êtres humains qui sont clairement au-dessus de la mêlée. Quand on naît femme en Afrique du Nord en 1927 dans une famille pauvre, le destin est a priori tout tracé : Se marier à quinze ou seize ans pour servir un mari après avoir servi ses frères. Gisèle Halimi, elle, résiste à cet état de fait, dès le départ. Pour elle, c’est injuste, et elle passera sa vie à combattre l’injustice en général. Elle deviendra donc avocate. Et ses combats seront des avancées majeures pour les femmes, avec des modifications de lois ou de nouvelles lois comme le droit à l’avortement, à la contraception, la lutte contre le viol et la façon d’aborder ce type de crime dans les tribunaux, l’abolition de la peine de mort. Quelle femme incroyable !

Et quelle plume merveilleuse que celle de la non moins merveilleuse Annick Cojean ! Elle retrace de manière tellement fluide cet entretien. Quelle chance a eu Annick de l’avoir rencontrée, d’avoir eu ces conversations sûrement passionnantes avec elle ! Je suis une femme de cinquante ans qui n’a jamais eu à se battre pour faire des études, pour me protéger de grossesses indésirables, pour être libre d’aimer qui je veux, comme je veux. On a tendance à oublier que tous ces droits qui ont été acquis de dure lutte restent fragiles et sont régulièrement bafoués, dans des pays qui se considèrent comme des démocraties
(l’actualité récente vient de raviver douloureusement la fragilité de ces acquis). Nous ne sommes pas à l’abri. Nous devons rester vigilants. Tous. Hommes et femmes ensemble.

Galerie

La mère à côté – Thael Boost (199 pages)

Moi aussi, j’ai lu ce livre qu’on a vu massivement fleurir sur les réseaux sociaux ces dernières semaines. La tête de la mère de Thael, « c’est plus vraiment ça ». Depuis quelques années, la maladie d’Alzheimer lui prend ses souvenirs, ses connaissances et ses capacités. L’ensemble dans un maelström aléatoire, à la fois tragique, puisque la dégradation est inexorable, mais saupoudré de moments drôles, car cette mère au caractère espiègle arrive à faire rire et sourire sa fille avec ses réparties pétillantes.

Thael, par amour pour sa mère, écrit des bribes de souvenirs pour éviter qu’ils ne se perdent définitivement. Elle nous parle de cette maladie qui déboussole peu à peu, laissant les malades dans un flou et une incertitude où seule la bienveillance des proches peut les rassurer un peu. Elle y mêle ses propres souvenirs d’enfance. Car dans la tête des malades d’Alzheimer, tout se confond, notamment les époques et cette dame si gentille, on ne sait plus très bien si elle est sa fille, sa sœur ou sa mère. Un livre touchant d’amour parsemé de facéties.

Galerie

Lettres à un jeune auteur – Colum McCann traduit de l’anglais par Jean-Luc Piningre (138 pages)

L’écriture d’un livre est une épreuve. Une aventure émotionnelle intense, pleine de joies sublimes et de gouffres épouvantables. C’est en parlant avec Mika Mundsen lors d’une séance de dédicaces, que cet auteur de plusieurs romans (lisez son « Souffle des pierres », entre autres) m’a conseillé ce petit ouvrage de table de chevet. Colum McCann nous accompagne avec une brutalité bienveillante, ou bien au contraire, une bienveillance brutale. Il nous pousse à lire, à écrire, à danser. Il nous prévient des écueils, des embûches, des troubles, des doutes qui vont accompagner ce parcours. Il sait par quelles étapes de joies sublimes et de gouffres épouvantables nous allons passer. Il nous bouscule, nous rassure et nous met des coups de pied aux fesses pour qu’on se mette à notre table d’écriture . Qu’on s’y remette. Qu’on bosse. Une merveille. Avec ce clin d’œil à Rilke et ses « lettres à un jeune poète ». Rien que pour ça : Merci.

Galerie

A la recherche de Milan Kundera – Ariane Chemin (133 pages)

Comme beaucoup, je suis une inconditionnelle de Milan Kundera. Comme beaucoup, dans sa littérature, j’aime les parallèles entre la grande Histoire et les petites histoires personnelles. Ariane Chemin a enquêté pour rencontrer cet auteur qui a disparu de la vie publique depuis 1984. Elle a notamment beaucoup rencontré sa femme, des élèves, des gens qui l’ont connu. Ce monsieur, qui est fort âgé aujourd’hui est un mystère qui nous donne encore plus envie de le rencontrer lorsqu’on lit cette enquête.

Galerie

Chère Ijeawele – Chimamanda Ngozi Adichie traduit de l’anglais par Marguerite Capelle (78 pages)

L’autrice au nom compliqué pour nous, européens est une très grande écrivaine. Dans ma tête, je dis toujours « Americanah », la Nigériane, car j’ai du mal à retenir les noms. Qu’elle me pardonne.

En revanche, ses livres sont inoubliables. Americanah est un chef d’œuvre absolu. Chère Ijeawele, en 78 pages dit tout ce qu’une fille doit savoir pour être prête à être féministe et féminine, mère de famille et working girl, libre d’aimer et aimer être libre. Il dit aussi tout ce qu’un homme devrait entendre et comprendre de la femme pour que l’humanité avance et aille mieux. Elle explique aussi le poids des traditions, de l’éducation et de la culture, comment vivre avec et comment s’en détacher. Encore une fois, Chimamanda Ngozi Adichie est parfaite en quelques mots, simplement justes.

Galerie

Une enfance pour toute la vie – Anne Carpentier (192 pages)

Anne Carpentier a travaillé pendant 35 ans comme psychologue. Elle s’est spécialisée au fil du temps comme psychologue des enfants et a exploré la piste du petit sac à dos, ce bagage héréditaire qui est rempli par le vécu des parents. Elle confesse que ses études n’ont pas toujours correspondu à ce qu’elle a rencontré sur le terrain, et profite de cet ouvrage pour nous faire part de son expérience, plus concrète, proche du terrain, avec énormément d’ exemples.

Elle y aborde des grands thèmes de société contemporains, comme la garde des enfants, le complexe d’Œdipe, les abus sexuels, la transmission sans paroles, le culte du secret, la somatisation. Un livre qui remet l’église au milieu du village sur un certain nombre d’idées reçues qui peuvent aider les parents à gérer des situations délicates, ou leur faire comprendre des comportements de leurs enfants. Un livre qui pourra aussi servir aux psychologues, notamment les jeunes, qui pourront s’inspirer de l’expérience de l’auteur. Un livre utile pour tous.

Galerie

Kétamine – Zoé Sagan (489 pages)

Vous ne sortirez pas indemne de la lecture de Kétamine. Zoé Sagan décortique pour vous les aspects les plus glauques des mondes dorés et des paillettes de la publicité, de la mode, du cinéma, de l’édition. Le faux, le clinquant, les abus de ceux qui se croient au-dessus de tout et de tous, au-dessus des lois. Vous avez immédiatement envie de commenter son livre, de débattre et d’échanger avec elle sur cette sorte de catharsis, quelles que soient vos opinions.  Elle a une plume indéniable et la prête à ceux qui ont plus de difficultés à s’exprimer. Une passionaria moderne. Ce roman est fondé sur des textes initialement publiés sur Facebook et retravaillés pour le roman. Une boule d’énergie qui n’a peur de rien ni de personne. Qui dénonce le pire dans des milieux aseptisés et qui se moque de ses acteurs pathétiques. Zoé est une idéaliste. Un peu trop par moment. Elle a un regard tellement juste sur la société qu’on en oublie parfois son immense jeunesse. Heureusement qu’à vingt et un an, certains jeunes ont envie d’un avenir meilleur, ont envie de croire à un monde plus juste. On attend la suite avec impatience.