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Tu pourrais me remercier – Maria Stoian (100 pages)

Lors de mon passage à la bibliothèque de mon village, le jour de la journée des droits des femmes, je suis tombée sur cette BD et je me suis dit que ça serait ma contribution du jour. En réalité, ce livre parle d’agressions et d’emprise dans des situations diverses et subies par tous sexes et âges confondus. Une jeune fille de quinze ans tripotée dans le métro, un jeune homme homosexuel violé, un homme harcelé par sa compagne, un autre poursuivi par une érotomane, une jeune femme sous l’emprise d’un homme violent, une jeune femme violée sous GHB. Le viol et l’emprise ne sont pas réservés aux hommes méchants sur des femmes faibles. Ils peuvent prendre des formes différentes et les victimes peuvent aussi être des hommes. Quand on ferme ce livre, on est un peu nauséeux, choqué. Un livre qui fait réfléchir.

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L’intrusive – Claudine Dumont (378 pages)

Camille ne dort plus. Vraiment plus. À peine quelques minutes tous les deux ou trois jours. Son frère et sa belle-sœur pensent que c’est son insomnie qui l’ont poussée à mettre en danger Jeanne, sa nièce. Il faut qu’elle s’en sorte pour revoir Jeanne. Alors elle accepte d’aller voir le frère étrange de Mathilde, sa belle-sœur. Un livre original sur les dégâts de l’enfance maltraitée. Il n’y a pas vraiment de surprise car les souvenirs de Camille ponctuent les chapitres, glaçants. La maltraitance peut prendre différents visages. Les mots font parfois autant de dégâts que les coups.

On se débat en apnée avec Camille en se demandant si elle a une chance de s’en sortir tant ses traumatismes sont profonds. Alors on tourne les pages, pour avoir le fin mot, avec la nausée à chaque chapitre où cette mère si belle, si parfaite apparaît.

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Western Spaghetti – Sandra- Ànanda Fleury (272 pages)

Encore une maison d’édition dont je voulais lire les ouvrages sans avoir eu l’occasion de le faire. Je les découvre enfin par le biais de ce recueil de nouvelles aux histoires très différentes les unes des autres.

Entre la famille indigente qui tâche de cacher ses problèmes d’argent et le vieux monsieur qui devient ami avec un agent immobilier bien décidé à lui faire vendre son appartement, on s’envole pour Montréal avec Mohammed, un jeune français qui veut aller à New York, mais reste coincé au Canada après les attentas du 11 septembre 2001, et cette danseuse qui revient dans cette ville et sur sa jeunesse. On passe aussi par les Etats-Unis avec cette fratrie pauvre mais soudée.

Remarquablement écrit, avec des trouvailles stylistiques très intéressantes, jolies et expressives qui mélangent les sens (les goûts sont en couleur et les couleurs sont sonores, tandis que les sensations ont du goût…) on s’attache aux personnages qui sont si vivants qu’ils constituent à mon sens la trame et le fil conducteur de cet ouvrage. Une très très belle découverte et un livre passé trop inaperçu au regard de sa qualité.

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Ripley Bogle – Robert Mc Liam Wilson, traduit de l’anglais par Brice Mathieussent (437 pages)

J’ai encore sorti un livre de ma PAL qui y traîne depuis un moment. Cette fois, j’avoue que j’appréhendais un peu de me plonger dans cette lecture, car j’ai tellement aimé « Eureka Street », du même auteur (pour moi, un des vingt meilleurs livres jamais lus) que j’avais peur d’être déçue par ce roman, plus ancien. J’ai vécu une expérience étrange. Il se trouve que j’ai eu l’occasion de rencontrer l’auteur, et que je sais quelques bribes de sa biographie, notamment qu’il a, pendant un temps, expérimenté la vie dans la rue à Londres.Dès les premières lignes, j’avais l’impression que l’auteur me racontait l’histoire en personne. Son histoire.

Et cette histoire de jeune homme, brillant intellectuellement, surdoué même, qui est clochard est très rude. Il décrit avec minutie le froid, la faim, le désœuvrement, la maladie, et surtout la crasse infâme dans laquelle il vit. Pas vraiment une partie de plaisir. Comme feel good, on a fait mieux. En revanche, j’ai retrouvé le style magnifique et inimitable de l’auteur qui s’articule autour de trois axes : Son humour cynique sur la religion et la politique, la beauté poétique de ses paysages (j’ai levé les yeux au ciel, et il a baissé les siens sur moi) et la description minutieuse d’un quotidien banal et affreux, affreusement banal et pas banal du tout. Tout s’enchaîne avec grâce et simplicité dans son écriture, unique.

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Les Petrov, la grippe etc… – Alexei Salnikov traduit du Russe par Véronique Patte (318 pages)

Quel drôle de roman ! Quel Ovni ! Je savais en intégrant cet ouvrage à ma Pile à lire, il y a deux ans et demi que j’aurais à faire à un livre très original. Aussi décrié qu’adulé dans son pays, ce roman a fait l’objet d’une adaptation cinématographique. Pour ma part, j’ai été aussi enthousiaste que les plus enthousiastes (description minutieuse du quotidien d’une famille presque ordinaire, souci du détail qu’on n’a jamais vu ailleurs, sensation de fièvre, de froid et de flou, comme lorsqu’on est malade, justesse des personnages, de leur comportement et de leurs ressentis) et aussi perplexes que les détracteurs (mais où diable veut-il en venir ? Et pourquoi cette fin étrange ? et que se passe-t-il ? Ah ! rien, ok !). Bref, un roman assez ardu mais hyper original, je ne le conseillerais pas à tous, mais pour ceux qui souhaitent s’imprégner de l’ambiance d’avant-guerre (contre l’Ukraine, cela va sans dire), et de romans qui sortent des sentiers battus, un peu pointus, vous serez servis.

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Tala Yuna – Charles Aubert (315 pages)

A la suite au départ de sa femme, un écrivain connu pour ses biographies de gens célèbres part à la recherche de son père qui est parti deux jours avant sa naissance. Les seuls indices qu’il possède sont une photo très ancienne et le fait qu’il ait toujours affirmé son envie de vivre dans cette région sublime du Canada, nommée la région des mille îles. Jonas devient étrangement ami avec un homme qui a pourtant des aspects inquiétants. Cet homme lui propose de lui faire faire le tour des archipels en bateau, avec son frère un peu simple d’esprit.

L’auteur nous entraîne dans son sillage avec cette épopée aventureuse, dans un style romanesque qui fait la part belle à la nature. Les préceptes ancestraux indiens se mêlent au respect du monde qui nous entoure, et les paysages sont à couper le souffle. Le tout est rythmé par une tempête qui se prépare, sur l’eau comme dans les vies des protagonistes. Ce roman vous embarquera à coup sûr grâce aux personnages, très beaux, même les plus sombres, à l’histoire des différentes quêtes, aux histoires d’amour et au road trip (je devrais dire sea trip) avec ses paysages magnifiques et hostiles  Un très beau roman dont on n’a pas assez parlé.

Je remercie les éditions @slatkineetcompagnie pour leur confiance.

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En attendant Bojangles – Olivier Bourdeaut (171 pages)

J’ai enfin lu « En attendant Bojangles ». C’est toujours un défi de lire un livre qui a eu beaucoup de succès, qui a été adapté au cinéma. On est parfois déçu. Or j’avais entendu parler du succès du livre mais j’avais peu entendu parler du livre lui-même, ça m’a donc protégé de mes propres a priori. J’ai énormément aimé cette histoire de femme fantasque et
de maman à part. L’histoire de cette folie qui s’insinue dans cette famille qui aurait pu n’être qu’un peu décalée. La vision de l’enfant sur cette situation hors normes est une bonne idée pour ne pas tomber dans l’angélisme, et pour garder une forme de crédibilité à l’ensemble qui maintient la structure. Un vrai ton, une belle histoire d’amour, et un glissement progressif
vers l’annonce fatale d’une tragédie. Peu à peu, on sent bien que ça ne peut que mal finir, mais dans la voix de cet enfant, on espère encore que seul l’amour triomphera. C’est beau, c’est moche, c’est triste, c’est drôle tout à la fois. Un premier roman très réussi.

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La divine comédie de nos vies – Gavin’s Ruiz (214 pages)

Sacha aide Jérôme à disparaitre, littéralement, comme s’il était mort. Cet événement imprévu comme un coup de tonnerre dans leurs existences va amener sa famille et ses amis à s’interroger sur le sens de leurs vies, le rapport qu’ils ont eu avec lui et ce que cette disparition va changer pour chacun et pour le groupe. Gavin’s Ruiz nous confirme à la fin ce qu’on soupçonne au fur et à mesure de la personnalité de Jérôme et de sa vie qui était une comédie. Sur un sujet finalement plutôt convenu, l’auteur arrive à rafraîchir le genre en nous glissant dans chaque personnage des secrets plus ou moins importants, des petits arrangements plus ou moins importants. On a tous rêvé un jour de changer de vie, de repartir de zéro. Ce roman nous y fait rêver.

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Le ventre de la péniche – Fabrice Capizzano (502 pages)

Un road trip déjanté avec une bande de fous pour emmener les cendres d’une morte à l’autre bout du monde. Voilà le pitch de ce roman à la langue incroyablement foisonnante, riche, poétique, extraordinaire. Moi qui ne gribouille, ne surligne, n’annote pas les livres, j’avais envie de conserver chaque phrase comme un joyau, comme un trésor. C’est drôle, c’est passionné, c’est tragique, c’est grandiose. Et très bien écrit. C’est dramatique et instructif dans une même phrase, l’auteur passant d’une réflexion triviale à une pensée philosophique, humaniste, écologique, poétique avec une grâce infinie. Une très belle découverte.

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Crédit illimité – Nicolas Rey (207 pages)

Quand on rencontre Nicolas Rey, même au travers d’un écran pour une rencontre Zoom, on est instantanément touché en plein cœur par son esprit gentil vif et drôle. Et par son charme. On a envie de lui dire qu’on l’aime. Le rapport avec mon retour de lecture ? Je fais ce que je veux, d’abord, si j’ai envie de dire à Nicolas Rey que je l’aime je le fais. Surtout que je lui dois un soupçon d’excuses, car si l’homme m’a toujours emballée (en tout bien tout honneur, il est fou amoureux, cœur inaccessible), son précédent ouvrage, en revanche m’avait laissée perplexe. Bien sûr, j’avais adoré son style faussement simple et fluide, son humour, mais l’histoire s’était dispersée pour me perdre en pleine forêt, dans une cabane, attachée, après m’être pris un bon coup sur la tête destiné à m’assassiner. Cette fois, tout est parfait. Nicolas Rey se met en scène sous les traits de Diego, fils à papa drogué, alcoolique et passablement fauché. Amoureux de sa psy, très déprimé, il va aller voir son père pour lui soutirer de l’argent. Ce dernier, chef d’entreprise richissime et implacable va lui proposer une grosse somme s’il prend la direction des ressources humaines d’une de ses usines pour licencier dix-sept personnes. Mais Diego, s’il a besoin de ce revenu, va écouter une à une les histoires de ces personnes qui vivent dans une région sinistrée, et il va imaginer un autre scénario. Comme toujours, l’écriture de Nicolas Rey est parfaite. Et cette fois, j’ai été embarquée de A à Z avec Diego. L’histoire est bourrée d’humour et de tendresse et le passage où il décrit des moments touchants avec son père est un retournement inattendu et merveilleux. Un très bon cru qui se dévore.