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Le vol du boomerang – Laurent Whale (529 pages)

Un jeune homme aborigène veut s’inscrire à la course mythique World Solar Challenge qui part de Darwin au nord de l’Australie et la parcourt du nord au sud jusqu’à Adélaïde, soit 3000 kilomètres avec des véhicules exclusivement électriques.

Sur fond des incendies qui ont ravagé le pays continent en 2019, enchaînant sur la terrible épidémie de Covid, le roman est écrit comme un thriller plein de suspense, avec le style fluide de Laurent Whale qui nous fait tourner les pages sans pouvoir s’arrêter. Deux histoires parallèles viennent enrichir le récit, celle d’une famille qui a dû tout quitter pour fuir les incendies et celle d’un jeune routier qui parcourt le pays de bout en bout dans des camions immenses.

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Tala Yuna – Charles Aubert (315 pages)

A la suite au départ de sa femme, un écrivain connu pour ses biographies de gens célèbres part à la recherche de son père qui est parti deux jours avant sa naissance. Les seuls indices qu’il possède sont une photo très ancienne et le fait qu’il ait toujours affirmé son envie de vivre dans cette région sublime du Canada, nommée la région des mille îles. Jonas devient étrangement ami avec un homme qui a pourtant des aspects inquiétants. Cet homme lui propose de lui faire faire le tour des archipels en bateau, avec son frère un peu simple d’esprit.

L’auteur nous entraîne dans son sillage avec cette épopée aventureuse, dans un style romanesque qui fait la part belle à la nature. Les préceptes ancestraux indiens se mêlent au respect du monde qui nous entoure, et les paysages sont à couper le souffle. Le tout est rythmé par une tempête qui se prépare, sur l’eau comme dans les vies des protagonistes. Ce roman vous embarquera à coup sûr grâce aux personnages, très beaux, même les plus sombres, à l’histoire des différentes quêtes, aux histoires d’amour et au road trip (je devrais dire sea trip) avec ses paysages magnifiques et hostiles  Un très beau roman dont on n’a pas assez parlé.

Je remercie les éditions @slatkineetcompagnie pour leur confiance.

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La lionne – Anne-Caroline Pandolfo, Terkel Risbjerg (195 pages)

Toujours dans le cadre du festival des Boréales qui approche à grands pas, l’illustrateur Terkel Risbjerg a collaboré avec Anne-Caroline Pandolfo sur plusieurs projets de romans graphiques. Ils se sont attaqués à des mythes comme Perceval, mais ont aussi adapté des romans (L’astragale, Serena…) ou des biographies. Ici, il s’agit de Karen Blixen, Danoise éprise d’aventure et de liberté. Cette femme hors du commun, née à la fin du 19ème siècle dans une famille où les femmes étaient d’un puritanisme absolu, mais dont le père a insufflé à cette petite fille rebelle son goût de l’aventure, des voyages et de l’écriture.

Vous avez peut-être entendu parler de « Out of Africa » le film un peu suranné avec la sublime Meryl Streep qui s’intéressait déjà à ce destin hors du commun, dont le titre est celui du récit que Karen Blixen elle-même a écrit au sujet de son expérience de plantation de café en Afrique (qui porte en français le terne titre de « La ferme africaine »).

Pour aborder toute la complexité de la personnalité de Karen Blixen, le sujet est ici traité avec un scénario empreint de poésie et de surnaturel. Vous adorerez rencontrer cette femme, fragile et forte à la fois.

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Les aventures de Kurtis, la fiancée du démon – Eliade Maldor (494 pages)

L’univers de l’heroic fantasy n’est pas ma tasse de thé. Néanmoins, en toute objectivité, l’histoire plaira sûrement aux adeptes du genre. C’est bien construit, l’univers est complet, avec ses cartes, sa structure sociétale, son historique, ses guerres fondatrices, son clan du bien, son clan du mal.

Un jeune prophète voit en songe une jeune fille l’appeler au secours, enlevée par des adeptes de Baal, qui encensent des pratiques démoniaques. Il va convaincre son supérieur de partir à sa recherche.

Là où c’est intéressant, c’est qu’au fond, l’auteur aurait pu juste écrire un roman historique qui se serait déroulé au moyen âge sous l’inquisition, par exemple. D’ailleurs, il en reprend les codes, les quêtes d’absolu, les moyens de pression. Il s’est également inspiré de l’époque des guerres puniques, en reprenant sa mode vestimentaire et certains noms qui ont marqué l’histoire. Mais n’importe quelle époque où les hommes ont été convaincus de détenir une vérité religieuse absolue qui justifie la traque de l’hérésie, les crimes d’innocents et toutes les exactions qui se réclament de Dieu aurait pu également convenir. Ici, la tolérance devient suspecte et une marque de naissance sur le corps peut mener au bûcher.

J’espère juste que l’auteur va s’équiper d’un Bescherelle pour corriger ses passés simples fantaisistes qui font mal aux yeux. Ce point noir met un sérieux bémol au texte.

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Abyssinia I – Alexandre Page (500 pages)

Partez à l’aventure avec une délégation russe à la toute fin du 19ème siècle qui voyage de Saint-Pétersbourg jusqu’en Abyssinie pour aider les Ethiopiens à conquérir leur territoire ! Avec son style qui se cale complètement sur l’époque et l’histoire, Alexandre Page nous fait prendre le train jusqu’à Odessa, puis le bateau jusqu’au Caire et pour descendre le Nil et traverse ensuite déserts, montagnes et plaines pour aller au lac Rudolph, lieu de toutes les convoitises. Vous marcherez dans les pas des tout premiers explorateurs de cette région aux paysages, à la faune et la flore superbes.

Dans une civilisation où nous passons notre temps à courir après le temps, apprenons à nouveau à déambuler sur des mules qui marchent au pas, et à découvrir des civilisations et des cultures inconnues. Le roman est comme toujours truffé de photos et de croquis du véritable voyage qui illustrent d’autant mieux le propos. Un voyage pour le moins dense, intense et dépaysant.

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Les aventuriers de l’autre monde – Luca Di Fulvio traduit de l’italien par Elsa Damien (222 pages)

Comment mieux démarrer la littérature de Luca Di Fulvio que par son unique roman jeunesse?

Luca Di Fulvio explique qu’il a écrit ce livre pour raconter une histoire à une petite fille malade. Il  possède tous les ingrédients nécessaires à une belle histoire : trois enfants dont les caractères et les profils se complètent, une amitié solide, de l’aventure, des méchants, un monde magique, des fantômes et beaucoup d’animaux.

Ce livre réjouira les petits de huit à douze ans, ils pourront s’identifier aux héros, et voudront combattre les mauvaises âmes. On y retrouve toute la générosité de l’auteur et sa volonté de distribuer le bien autour de lui, comme un magicien des histoires.

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Même les cow-girls ont du vague à l’âme – Tom Robbins Traduit de l’anglais (Etats-unis) par Philippe Mikriammos (442 pages)

Sissy est magnifique, elle ressemble un peu à Grace Kelly. Mais elle est née avec des pouces immenses. Tout le monde veut lui faire comprendre que c’est une difformité, mais elle décide, dès l’enfance d’en faire son principal atout.

Un ovni littéraire. Un objet curieux qu’on regarde avec défiance comme on regarde les pouces de Sissy, étranges, démesurés, hors norme. Ce livre est une ode à la différence, et au droit de réaliser ses rêves. Ce livre est un hommage aux femmes. Ce livre trouve de la beauté là où elle n’est pas évidente à voir. Ce livre est un livre LGBT écrit à une époque où cet acronyme n’existait pas. Ce livre est un livre à forte connotation sexuelle. Ce livre est complètement barré. Ce livre s’adresse à vous directement, comme si vous étiez au-dessus de l’épaule de l’auteur et qu’il vous adressait directement ses remarques pendant qu’il écrit.

C’est drôle, c’est philosophique, c’est dense. Quand vous le lisez, vous menez un combat contre l’auteur, contre le livre objet, contre vous-même. Et au bout de tous ces uppercuts que vous n’avez pas pu éviter, et qui vous laissent pantelants, vous refermez le bouquin en vous disant : wouah !

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La mécanique du coeur – Mathias Malzieu (155 pages)

Après la rencontre incroyable et magique avec la collection Iconopop des éditions Iconoclaste, et leurs trois premiers auteurs, tous différents et touchants dans leur genre, je n’ai pas pu m’empêcher de raconter la tendresse poétique de Mathias Malzieu à mes collègues dont l’un d’eux m’a déposé la mécanique du coeur sur mon bureau le lendemain même.

La mécanique du coeur est un moment de lecture sensible et un peu perché, drôle et mélancolique, à l’image de son auteur. On y croise des personnages improbables, un peu comme dans la cité des enfants perdus, ou comme dans Edward aux mains d’argent, avec une ambiance un peu similaire.

Le tout, comme toujours chez Malzieu, saupoudré d’une histoire d’amour à faire exploser les coeurs, surtout quand ils fonctionnent grâce à une horloge en forme de coucou suisse. Un moment de grâce où les chanteuses sont myopes et où Méliès conseille l’amoureux transi, comme une barbapapa légère, rose et sucrée.

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Le gang de la clé à molette – Edward Abbey Traduit de l’anglais (Etats-unis) par Jacques Mailhos (552 pages)

Quatre personnes que rien ne prédisposait à se rencontrer, décident de protester contre l’urbanisation et la destruction de l’environnement du désert entre le Colorado, l’Utah, le Nevada et l’Arizona, ainsi que de son majestueux fleuve par des sabotages de bulldozers sur les chantiers de construction des routes et des ponts. 

Parfois c’est très drôle, on éclate franchement de rire. Par moment, on se perd un peu dans les descriptions techniques des engins de chantiers. 

Ce livre est l’histoire d’une longue cavale et d’une longue traque. L’histoire est politiquement incorrecte, crue, parfois absurde. Mais on comprend que cet écrivain, qui s’est fait enterrer dans un lieu secret de ce même désert, ait tenté avec son arme, l’écriture, de s’opposer aux aberrations écologiques créées par les hommes dans cette partie sauvage du monde. Un Panthéon de la littérature américaine qu’il faut absolument avoir lu.

Les trois vies de l’homme qui n’existait pas – Laurent Grima (306 pages)

En cette période particulière et inédite de nos vies, je trouve que chaque livre prend une dimension spéciale. Celui de Laurent Grima n’échappe pas à la règle, et le sien a même une résonance vraiment singulière. 

Road trip en Europe, pamphlet sur les diktats des apparences, la consommation compulsive, les dérives du marketing, ce livre nous interroge sur les questions essentielles de ce qui nous fonde et nous construit. Quand on n’a rien, même pas une identité, une histoire, sur quelles bases se développer ? Quelles valeurs, quel héritage voulons-nous transmettre à notre descendance ? Qu’est-ce que l’amour, l’amitié, la filiation, l’entraide ?

L’auteur nous en fait une proposition originale et drôle, tendre et mélancolique à la fois. Un livre qui marque. Attendrissant.