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Tableau final de l’amour – Larry Tremblay (200 pages)

Je ne peux pas dire que je suis une grande fan de la peinture de Francis Bacon. Je ne peux pas dire que je connais bien cet artiste que j’ai à peu près découvert par hasard cet été en visitant le musée de Dublin où son atelier, véritable foutoir chaotique (il disait ne pouvoir créer que dans le chaos) a été déménagé de Londres pour être reproduit à l’identique. Sa peinture, violente et torturée ne me parle pas beaucoup.

Mais ce livre, pourtant pur roman, inspiré de la vie de l’artiste, nous apporte un éclairage sur son processus créatif très intéressant. L’auteur, bien documenté, imagine une version crédible du cheminement intellectuel du peintre. Tout en gardant la conscience et donc la distance nécessaire sur l’aspect biographique, j’ai l’impression de mieux comprendre cette œuvre difficile. Une vraie réussite.

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Le jeune acteur – Riad Sattouf (140 pages)

A la fin des années 2000, Riad Sattouf a réalisé un film qui a changé la vie de Vincent Lacoste, un ado choisi dans un collège parisien pour tenir le premier rôle. L’histoire de ce film et de son acteur principal, devenu l’un des acteurs les plus prometteurs de sa génération sont racontées tour à tour du point de vue de Riad Sattouf et de Vincent Lacoste.

Chacun des deux se livre sans fard, avec ses doutes, ses espoirs, ses failles. Vincent Lacoste y aborde ses petits arrangements d’adolescent avec la réalité, sa timidité, son manque de confiance et en même temps son ego flatté, la surexposition au collège et l’indifférence de ses pairs au lycée. Riad Sattouf évoque quant à lui sa passion pour le cinéma, Truffaut et Jean Pierre Léaud en particulier, ses doutes sur le choix de l’acteur.

Cette transparence sur les situations de la part de l’un et l’autre rend ce roman graphique très touchant et intime, et selon les moments, tristes ou drôles. Un très bon moment de lecture pour ce documentaire qui se lit comme une belle histoire.

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Un jour d’été au garde meuble de la couronne – Agnès Walch et Gatien Wierez (159 pages)

Ce livre est un documentaire qui éclaire un bâtiment qu’on connaît plutôt comme l’Hôtel de la Marine. Sur une journée d’été (parce qu’elles sont plus longues), on y évoque tous les aspects de la vie de l’époque (milieu et fin 18ème, donc les cinquante dernières années avant la révolution et un peu au-delà, pour expliquer notamment comme il a été difficile d’éviter des pillages, et raconter aussi la fameuse histoire du vol des bijoux de la couronne)  : métiers, objets, logistique, arts, histoire. Avec des papiers de couleur différentes pour représenter les différentes périodes de la journée, ce livre est un beau livre qui est un petit bijou original dans un format pratique et peu encombrant.

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Légendes de la rue Potapov – Irina Emélianova traduit du russe par Gérard Abensour (392 pages)

En 1946, Boris Pasternak, le grand poète russe rencontre Olga Ivinskaïa, sa dernière muse. Marié par ailleurs, il entretiendra une relation passionnée avec cette femme sublimement belle dont il fera le personnage de Lara dans Docteur Jivago.

Ce roman aura des conséquences internationales et l’auteur devra renoncer au prix Nobel pour l’avoir fait publier à l’étranger.
Pour blesser Pasternak dans ce qu’il a de plus cher, Olga sera envoyée par deux fois dans des camps de concentration. La première fois, elle perdra le bébé qu’elle attendait du poète. La deuxième fois, mère et fille partiront toutes les deux, après la mort de Pasternak.

L’autrice raconte cet homme qui a été son presque père, le tragique et l’absurde d’une époque, le romanesque et parfois les convictions de ces poètes qui ont accompagné son enfance et son adolescence. Une petite histoire qui a pris place dans la grande Histoire. Un témoignage unique, truffé d’anecdotes, de lettres sublimes « il faut que je t’écrive à la hâte, ne m’en veux pas, mais pense plutôt à l’infinité de toutes les choses non dites qui restent en dehors de toutes les lettres au monde… » (Ariadna Efron, à Irina pendant son incarcération) et d’extraits de poèmes.

Dans une lettre de Chamalov envoyée à sa mère, poète qui aura passé vingt ans dans des goulags plus sévères les uns que les autres (à l’époque qu’ils nomment tous pudiquement « du culte de la personnalité » ) ce dernier explique à quel point la poésie a permis aux prisonniers de tenir le coup dans les moments les plus difficiles. Un message à ceux qui douteraient encore de l’essentialité de la littérature.

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Vies et morts de John Lennon – Hugues Blineau (75 pages)

Hugues Blineau avait déjà écrit un roman autour du groupe mythique des Beatles, il s’attaque cette fois à la mort de John Lennon. Comme une brise légère, il passe autour de quelques quarante personnages, fictifs ou réels, et nous livre des bribes des moments qui ont entouré cet événement tragique. On pourrait aussi évoquer une onde qui se propagerait, de New York au Pays de Galles, comme une radio ou une télévision où l’on zapperait d’une station à l’autre pour intercepter de brefs ressentis. 

Comme dans un kaléidoscope, vous verrez les aspects de cette mort violente, au travers du prisme des proches et anonymes, factuel et très éthéré à la fois. C’est tellement court, qu’il serait dommage de s’en passer.

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La mécanique du coeur – Mathias Malzieu (155 pages)

Après la rencontre incroyable et magique avec la collection Iconopop des éditions Iconoclaste, et leurs trois premiers auteurs, tous différents et touchants dans leur genre, je n’ai pas pu m’empêcher de raconter la tendresse poétique de Mathias Malzieu à mes collègues dont l’un d’eux m’a déposé la mécanique du coeur sur mon bureau le lendemain même.

La mécanique du coeur est un moment de lecture sensible et un peu perché, drôle et mélancolique, à l’image de son auteur. On y croise des personnages improbables, un peu comme dans la cité des enfants perdus, ou comme dans Edward aux mains d’argent, avec une ambiance un peu similaire.

Le tout, comme toujours chez Malzieu, saupoudré d’une histoire d’amour à faire exploser les coeurs, surtout quand ils fonctionnent grâce à une horloge en forme de coucou suisse. Un moment de grâce où les chanteuses sont myopes et où Méliès conseille l’amoureux transi, comme une barbapapa légère, rose et sucrée.

Rien n’est noir – Claire Berest (282 pages)

Est-ce que j’aime Frida Khalo? Voyez la photo qui accompagne cette chronique, j’ai même un tee-shirt à son effigie! Alors quand j’ai vu cette couverture magnifique lors de la rentrée de septembre, je me suis dit que si je n’achetais qu’un livre, c’était celui-là. 

Vous découvrirez la vie de Frida Khalo, personnage fantasque et brisé, probablement bipolaire, à une époque où on ne le disait pas, amoureuse d’un homme effroyablement laid qui avait pourtant un succès fou. Diego Rivera, le plus grand peintre d’Amérique dans les années 1920, fut son mari et sa tourmente.

Si vous connaissez l’histoire de cette femme à part, libre d’agir comme bon lui semblait, multipliant les conquêtes à l’instar de son mari, peintre reconnue, communiste, diva, et emprisonnée dans ce corps si douloureux, vous n’apprendrez pas tellement plus d’elle. Mais le style de Claire Berest ajoute une touche colorée (rouge, bleu, jaune, noir) essentielle à cette biographie. Un style qui à mon sens ne trahit ni la femme ni l’artiste.

Alors que vous aimiez Frida comme moi à la folie, ou que vous ne la connaissiez pas, il faut absolument découvrir cette peintre étonnante qui a révolutionné la peinture moderne en peignant comme personne n’avait jamais peint avant. Épatant.

Vie de David Hockney – Catherine Cusset (180 pages)

Catherine Cusset est très forte pour écrire des histoires de vie. Inventés ou réels, ses personnages traversent le cours de l’histoire avec leurs joies, leurs peines, leurs amours, leurs inimitiés, leurs parcours.

Biographie romancée, le livre de Catherine Cusset nous retrace la vie d’une personne qui est toujours vivante, peintre célèbre, David Hockney. J’ai un peu honte parce que je prétends m’intéresser un peu à la peinture, et je ne me rappelais pas avoir jamais entendu parler de ce peintre qui a pourtant une carrière de 60 ans derrière lui!

David Hockney a défié toutes les époques et tous les genres : à une époque où plus personne ne faisait de figuratif, lui s’y est consacré, il a même redonné vie aux portraits et en particulier aux portraits de couple. Il est aussi célèbre pour ses montages photographiques, si vous avez 5 minutes supplémentaires, allez jeter un coup d’oeil à ses oeuvres sur internet, indescriptibles, mais fascinantes. Il a fait un travail considérable sur la couleur et la perspective.

David Hockney, c’est aussi l’homme qui a assumé son homosexualité à une époque où il était encore difficile de le faire, et qui a traversé la période épidémique du sida des années 80-90, sans l’attraper, et en voyant mourir un à un une bonne partie de ses amis dans les années 90.

C’est écrit sans concession mais avec une grande tendresse et beaucoup d’amour pour l’artiste. Instructif.