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Etica y estetica de una existencia – Esther Diaz – Pedro Luis Sotolongo (147 pages)

Ouh la la ! Il y avait bien longtemps que je n’avais pas lu en espagnol ! Pour prolonger ma rencontre avec Ernesto Guevara, dit « Che », je me suis dit que cet essai philosophique sur la vie du révolutionnaire argentin était le moment opportun de sortir ce livre qui traînait dans ma PAL depuis un moment. C’est intéressant le contraste avec « Voyage à motocyclette latinoamericana ». Ernesto, à vingt-trois ans, ne se voyait pas comme un révolutionnaire. Dans son écrit, il le dit : ce qui l’a animé pendant ces neuf mois de tribulations, c’est le taux de remplissage de son estomac. Alors, aujourd’hui, on peut bien sûr voir dans sa jeunesse les prémisses de son engagement futur, ses parents étaient déjà des bourgeois à part, le laissant jouer avec des enfants de toute condition, son père l’emmenait démasquer les nazis qui essayaient de fomenter des complots en Argentine, ils protégeaient les républicains espagnols ayant fui l’Espagne castriste. Il est montré comme la légende qu’il est devenue, c’est pratique un mort pour le transformer en légende. Cet essai est évidemment très parti pris et nous montre un homme asthmatique, certes, mais doté d’une telle force mentale et morale, d’une telle abnégation, que même si les anecdotes sont vraies, on peut soupçonner les auteurs de les avoir légèrement enjolivées. Et j’ai été étonnée de pouvoir me remettre aussi facilement à une langue que je n’ai pas pratiquée depuis un moment. En tout cas, les deux livres se faisaient admirablement résonnance, et c’était le parfait timing pour ce troisième duo de la saison, après les deux livres sur Rimbaud et ceux de, ou sur Edmonde Charles-Roux.

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Une farouche liberté – Gisèle Halimi avec Annick Cojean (153 pages)

Il y a des êtres humains qui sont clairement au-dessus de la mêlée. Quand on naît femme en Afrique du Nord en 1927 dans une famille pauvre, le destin est a priori tout tracé : Se marier à quinze ou seize ans pour servir un mari après avoir servi ses frères. Gisèle Halimi, elle, résiste à cet état de fait, dès le départ. Pour elle, c’est injuste, et elle passera sa vie à combattre l’injustice en général. Elle deviendra donc avocate. Et ses combats seront des avancées majeures pour les femmes, avec des modifications de lois ou de nouvelles lois comme le droit à l’avortement, à la contraception, la lutte contre le viol et la façon d’aborder ce type de crime dans les tribunaux, l’abolition de la peine de mort. Quelle femme incroyable !

Et quelle plume merveilleuse que celle de la non moins merveilleuse Annick Cojean ! Elle retrace de manière tellement fluide cet entretien. Quelle chance a eu Annick de l’avoir rencontrée, d’avoir eu ces conversations sûrement passionnantes avec elle ! Je suis une femme de cinquante ans qui n’a jamais eu à se battre pour faire des études, pour me protéger de grossesses indésirables, pour être libre d’aimer qui je veux, comme je veux. On a tendance à oublier que tous ces droits qui ont été acquis de dure lutte restent fragiles et sont régulièrement bafoués, dans des pays qui se considèrent comme des démocraties
(l’actualité récente vient de raviver douloureusement la fragilité de ces acquis). Nous ne sommes pas à l’abri. Nous devons rester vigilants. Tous. Hommes et femmes ensemble.

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La république ne vous appartient pas – Discours à Polytechnique – Juan Branco (108 pages)

Le pouvoir politique passe souvent par la dialectique. Il me serait difficile de rivaliser avec Juan Branco sur ce terrain, lui qui a été formé dans les plus grandes écoles à cette manipulation du langage. Mon sentiment prédominant dans ce livre, c’est qu’on reste sur notre faim. Il enfonce des portes ouvertes avec des constats ô combien audacieux, tels que : “il y a des inégalités en France” ou “ce sont majoritairement les enfants de cadres qui font des études dans les plus grandes écoles en France”. Il est bien placé pour le savoir, lui qui a fait une partie de ses études à Yale. Si 68% des étudiants de polytechnique sont des enfants de cadres, seuls ceux qui ont eu l’opportunité de barboter dans les parcs du sénat ont une probabilité d’entrer un jour dans l’Ivy league. Le  problème de l’éducation en France (où les inégalités ont été encore amplifiées par le confinement lié à la crise sanitaire) est très préoccupant en effet. Mais le traiter au travers du prisme des prépas parisiennes et des grandes écoles me semble affreusement réducteur et naïf. Et malgré sa bonne volonté, la sensation de son imposture m’a trop violemment interpellée tout au long de l’ouvrage pour sortir convaincue de sa harangue.

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Une ombre qui marche – Tiphaine Le Gall (205 pages)

Ce livre de la rentrée littéraire est présenté comme un essai sur l’œuvre d’un auteur décédé qui aurait transformé le monde et la vision du monde en produisant une œuvre totalement vide, avec 283 pages blanches.

D’ailleurs, le sous-titre du roman est « essai sur les fondements et les enjeux de l’Oeuvre absente de Timothy Grall, par Maxime Desvaux, maître de conférence émérite en littérature française et comparée à l’université Sorbonne, Paris 4. C’est à la fois, bien sûr, loufoque, mais aussi sérieux, en présentant les travers de notre monde actuel. Elle y fait référence à des textes de Montaigne méconnus, mais aussi Kundera, Baudelaire, Flaubert.

L’autrice dont vous aurez noté la similitude de consonance avec l’auteur supposé invente également tout un tas de références. Un livre vraiment original, pas très facile, car il y a beaucoup de références philosophiques, mais il y a des trouvailles vraiment drôles et savoureuses !

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Kétamine – Zoé Sagan (489 pages)

Vous ne sortirez pas indemne de la lecture de Kétamine. Zoé Sagan décortique pour vous les aspects les plus glauques des mondes dorés et des paillettes de la publicité, de la mode, du cinéma, de l’édition. Le faux, le clinquant, les abus de ceux qui se croient au-dessus de tout et de tous, au-dessus des lois. Vous avez immédiatement envie de commenter son livre, de débattre et d’échanger avec elle sur cette sorte de catharsis, quelles que soient vos opinions.  Elle a une plume indéniable et la prête à ceux qui ont plus de difficultés à s’exprimer. Une passionaria moderne. Ce roman est fondé sur des textes initialement publiés sur Facebook et retravaillés pour le roman. Une boule d’énergie qui n’a peur de rien ni de personne. Qui dénonce le pire dans des milieux aseptisés et qui se moque de ses acteurs pathétiques. Zoé est une idéaliste. Un peu trop par moment. Elle a un regard tellement juste sur la société qu’on en oublie parfois son immense jeunesse. Heureusement qu’à vingt et un an, certains jeunes ont envie d’un avenir meilleur, ont envie de croire à un monde plus juste. On attend la suite avec impatience.

Sapiens, une Brève Histoire de l’Humanité – Yuval Noah Harari (492 pages)

Yuval Noah Harari - Sapiens, une brève histoire de l'humanité

Bon, ça y est je suis allée au bout, surtout qu’avec des semaines personnelles un peu chargées, j’ai eu moins de temps pour lire.

Provocant, novateur, mais bourré d’informations, cet ouvrage remet l’histoire de l’humanité en tête en à peine 500 pages. On la découvre sous des angles très inédits qui déstabilisent parfois énormément. Ce n’est quand même pas commun d’imaginer que tous les engouements humains sont des « religions » à mettre sur un pied d’égalité (nationalisme, communisme, christianisme, capitalisme) avec seulement des points de détails divergents! Parfois on rit, parfois on sursaute et, parfois, on se dit qu’il va loin quand même.

Une chose est sûre : l’Homo Sapiens s’est développé comme aucune autre espèce ces 500 dernières années, en décuplant sa population, au détriment de beaucoup d’autres. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’homme ne détruit pas les autres espèces depuis 50 ans, mais depuis toujours! Les mégafaunes d’Amérique et d’Australie ont disparu rapidement après l’arrivée de l’homme sur ces territoires, comme l’Homo Sapiens a éradiqué toutes les autres espèces humaines (Neandertal, Florensis).

Puis, Yuval Noah Harari pose les bases de la suite car, pour la première fois de l’histoire du monde, une espèce est capable de modifier l’évolution naturelle grâce à des modifications génétiques. L’homme se prendrait-il pour Dieu? Aurons-nous accès à l’a-mortalité? Et le bonheur dans tout ça? A suivre dans le prochain numéro, puisque j’ai dans ma PAL (Pile A Lire) de table de chevet le second tome.

La Fête de l’Insignifiance – Milan Kundera (125 pages)

Milan Kundera - La fête de l'insignifiance

J’adore Milan Kundera. j’adore son passé dans une Tchécoslovaquie bridée par le stalinisme, peut-être cela raisonne-t-il même un peu avec mon histoire familiale. J’aime ces petites histoires qui s’insèrent dans la grande Histoire, où le destin de personnes ordinaires est bouleversé par des événements dont ils ne maîtrisent rien.

Aujourd’hui, Kundera est parisien, et son écriture, totalement décomplexée. Il n’a plus rien à prouver. c’est un écrivain sage et reconnu. Dans La Fête de l’Insignifiance, je trouve qu’il écrit comme un Parisien, il a perdu cette fébrilité, cette urgence vitale qu’on ressentait dans ses livres écrits initialement en tchèque. On retrouve pourtant son style, virevoltant, et se personnages, si réels.

En parallèle, une autre histoire, une fable sur Staline avec les plus hauts membres du gouvernement, leur peur du petit père des peuples, mais aussi le début de la chute, la rébellion, larvée de Krouchtchev. Ca se lit comme une valse, et on se laisse bercer par les histoires entremêlées. Ce roman, pour moi, ne peut être apprécié que si on connaît bien Kundera. Si vous n’avez jamais rien lu de lui, ne démarrez pas par celui-là, préférez-lui la plaisanterie, la Valse aux Adieux, ou l’insoutenable légèreté de l’être, ces bijoux incontournables de la littérature.

Et que celui qui a soif vienne, Un roman de Pirates – Sylvain Pattieu (470 pages).

Sylvain Pattieu - et que celui qui a soif vienne, un roman de pirates

Un roman de pirates? Vraiment? A priori pas trop ma tasse de thé, mais bon, il fait partie de la sélection, on se lance dans ce livre d’aventures, d’amour de philosophie et de réflexion sur la lutte des classes.

Un bateau, des esclaves nègres, un guerrier géant, une belle esclave que le capitaine s’approprie, une vieille sorcière, un pauvre gosse, devenu mousse, violé par les marins, un bosco qui fait tourner la boutique… Puis un autre bateau, d’autres personnages hauts en couleurs, un vitrier et un charpentier ennemis, un prêtre qui a des discours plus philosophiques que religieux, une femme qui fait tourner les têtes, un noblieau idiot. Un autre bateau encore, une femme déguisée en homme, son frère, illuminé. Des pirates qui attaquent tous ces bateaux…

Une foison de personnages (je ne les cite pas tous) qui ont chacun une importance, des allusions actuelles, des anachronismes voulus, une touche d’humour… On a l’impression de faire partie de la famille. Un hommage à la mère de l’auteur aussi, la description pudique et touchante de sa fin de vie, chacun ayant perdu un parent d’un cancer se retrouvera dans ses mots: c’est magnifique, c’est merveilleux. Tout est beau, tout est juste. C’est violent comme la vie au XVIIème ou XVIIIème siècle, ça pue la sueur et la merde de ceux qui vont mourir, on vit sur les bateaux, on a chaud, on a peur, on est exaltés.

Le monde de Sophie – Jostein Gaarder (612 pages)

Jostein Gaarder - Le monde de Sophie

Me voici de retour avec ce livre qui date un peu mais que je suis contente d’avoir lu. Si j’avais eu ce genre d’ouvrage au moment où j’ai passé mon bac de philosophie, j’aurais peut-être mieux enregistré l’histoire de la philosophie et les principales théories des grands auteurs. 

Par ailleurs, il est bon, en nos temps d’individualisme marqué, de dérives religieuses et du coup de manque de repères pour certains de reprendre l’histoire depuis le début pour réfléchir un peu. Je ne peux rien dire de plus, sinon je vous dévoile le tour de magie !