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La lame – Frédéric Mars (507 pages)

La lame, c’est celle d’un couteau, c’est celle de fond qui submerge un quartier très pauvre du Nigeria. De Lagos à Marseille, de New York à Paris, plusieurs histoires s’entremêlent dans ce thriller d’anticipation géopolitique. Basé sur des faits (dérèglement climatique, migration climatique), l’auteur nous livre un roman très dur sur le milieu de la prostitution dans les quartiers nord de Marseille et la plus terrible misère humaine. Lorsque les flics vont chercher le corps de cette pauvre prostituée massacrée, ils n’imaginent pas jusqu’où cette abomination les conduira. Malgré un récit très âpre, l’écriture de Frédéric Mars et la structure du roman vous feront tourner les pages sans vous arrêter.

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Alfie – Christopher Bouix (440 pages)

Un appareil de domotique, une intelligence artificielle bouleverse le quotidien d’une famille lambda.
Alfie est cette aide précieuse plutôt sympathique qui fait les courses, vous réveille en douceur, aide les enfants à faire leurs devoirs. Comme il a un module de deep learning (apprentissage profond), ses algorithmes gèrent les évènements et il s’ajuste au fur et à mesure pour fournir un service de plus en plus précis et adapté.

Mais peut -on faire complètement confiance à une machine ? C’est très drôle, car Alfie tâtonne et s’interroge sur l’humanité. C’est aussi glaçant, car le livre aborde des questions essentielles et philosophiques. Quelle est la définition de l’humanité ? Du libre arbitre ? De la liberté ? Il nous rappelle aussi que nous ne sommes pas loin de ce type de situation. En Chine, l’état pousse le curseur très loin avec des caméras partout et des « points » qui donnent ou enlèvent des droits aux citoyens.

Raconté du point de vue de l’intelligence artificielle, truffé d’ « œufs de Pâques », ces références qui sont disséminées dans le récit, ce roman addictif drôle et flippant vous embarquera dans le futur 2.0

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La pierre jaune – Geoffrey Le Guilcher (431 pages)

Un attentat terroriste sur un site nucléaire français plonge le monde dans le chaos. Un groupuscule de zadistes décide de rester en Bretagne, contre les directives du gouvernement, obligeant les populations à évacuer. Parmi eux, un policier infiltré. Un excellent thriller qu’on espère ne pas être d’anticipation, super documenté et efficacement construit. On adhère complètement à ce scénario catastrophe.

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Civilizations – Laurent Binet (378 pages)

Voilà un livre que je voulais lire depuis longtemps. J’avais été fascinée par « la septième fonction du langage » du même auteur. Civilizations est aussi exigeant que le précédent, peut-être même plus. Comme toujours, Laurent Binet mélange des faits réels de l’Histoire avec une fiction crédible mais totalement farfelue. Ici, il imagine que Christophe Colomb est mort comme un chien en voulant atteindre les Indes en passant par l’ouest (et donc démontrer la rondeur de la terre par la même occasion, désolée pour mes lecteurs platistes). Quarante ans plus tard, tout le monde a oublié la drôle d’idée de ce génois, et ce sont les Incas qui débarquent à Lisbonne, le lendemain du terrible tsunami qui détruit la ville. De là, ils vont peu à peu envahir l’Espagne de Charles Quint, puis son royaume entier. Le livre comporte trois parties : la première raconte le premier débarquement des vikings en Amérique, leur installation ; la deuxième, le débarquement et l’invasion Inca ; la troisième raconte le road trip du peintre El Greco en compagnie de Cervantès qui les mènera jusque chez Montaigne.
Un livre riche et foisonnant que j’ai par ailleurs trouvé un peu foutraque. Et puis il faut quand même bien connaître l’histoire des 16ème et 17ème siècles pour saisir toute la saveur humoristique du roman et pour l’apprécier pleinement. Les amateurs d’histoire se régaleront assurément. Pour ma part, j’ai parfois l’impression d’avoir loupé des nuances importantes, ce qui me laisse un arrière-goût d’inachevé. Je crois qu’il faut se laisser embarquer, sans chercher trop à démêler le vrai du faux.

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L’Odyssée de l’espèce – Bruno Charlaix (317 pages)

Quatre nouvelles décrivent l’humanité du début à la fin. Oui, la fin, car l’auteur l’imagine. J’ai trouvé dommage qu’il n’y ait pas de fil conducteur entre les histoires mais c’est bien écrit et on aborde les problématiques actuelles de l’humanité. Les histoires sont toutes abordées sous l’angle du progrès, ce qu’il représentait à différentes époques de l’évolution humaine. Si on sait que la planète est en danger, il suffirait de bien peu pour faire écrouler notre fragile équilibre. Une sorte de préambule au livre de Jean Hegland « la forêt »

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Le sanctuaire – Laurine Roux (148 pages)

Le sujet de ce livre pourrait laisser penser qu’il est issu de la crise épidémique qui secoue le monde actuel. Pourtant, toute ressemblance…

Une famille, isolée dans la forêt après une épidémie de grippe aviaire qui a décimé l’humanité, survit de chasse, de cultures et de haine des oiseaux. Tous les oiseaux qui s’aventurent trop près d’eux doivent être tués et brûlés.

La mère, Alexandra, raconte le temps passé, elle fait revivre la grâce d’un monde perdu. June, la fille aînée, a connu ce monde, elle en a des souvenirs, mais Gemma est une vraie sauvageonne, une Diane chasseresse qui n’a peur de rien. Le père part en expédition et ramène de quoi tenir le coup dans le sanctuaire.

Mais un jour, Gemma rencontre un homme qui vit parmi les oiseaux. Le doute s’immisce alors. Et si tout ce qu’elle croyait depuis le début de sa vie n’était qu’un mensonge ? Le style de Laurine Roux, délicat et poétique, nous berce dans son univers post-apocalyptique. 3ème lauréate du prix  Vleel, ce court roman est à découvrir.

Asymptote – David Hue – auteur (206 pages)

En pleine affaire Griveaux, je trouve amusant de parler d’Asymptote, le premier roman de David Hue sur la manipulation des politiques et de la déliquescence de notre système démocratique.
Rien à voir bien sûr, Asymptote est carrément plus sombre qu’une pauvre histoire de vidéo turgescente, mais on a un fond qui pourrait y ressembler. Cette dystopie décrit le monde tel qu’il pourrait évoluer dans le pire des cas : Fond politique inexistant, mais communication des partis très au point, système d’éducation appauvri, fécondité quasi inexistante, désordres climatiques très importants sans aucune volonté réelle de les améliorer, monde noir, gris sombre, déprimant.

Parfois, au milieu de ce chaos, une conscience essaye de faire un monde plus juste, plus beau. C’est le cas de ce policier qui enquête sur le meurtre d’un juge très aimé, très consciencieux, très droit. Deux skinheads ont été vus proches du lieu du crime et une croix gammée a été entaillée sur le torse de la victime. L’extrême-droite serait-elle derrière ce crime odieux, ou bien la ficelle est trop grosse, trop visible pour être vraie ? On a tendance à ne plus croire en grand-chose dans ce monde décadent.

Le poids de la neige – Christian Gay-Poliquin (251 pages)

A l’instar de “Dans la forêt”, on ne sait pas vraiment ce qu’il s’est passé, juste qu’il n’y a plus d’électricité, que l’essence et la nourriture se font rares, que les villages s’organisent pour se protéger. Il est gravement accidenté, mais les villageois acceptent de le sauver parce que c’est le fils du garagiste, décédé, et qu’il a peut-être des compétences en mécanique, lui aussi. Matthias, lui, n’a qu’une idée en tête, retrouver sa femme hospitalisée, alors qu’il est bloqué par la neige. On lui demande pourtant d’héberger et de soigner le blessé, en échange de bois, de vivres et d’une place dans le convoi qui partira pour la ville dès que la neige aura fondu. La hauteur de la neige ponctue les chapitres comme autant d’obstacles  qui éloignent Matthias de son but.

L’ambiance est lourde, comme le poids de la neige, les relations humaines sont modifiées par ce nouvel ordre des choses. Un bon cru de la sélection du prix Cezam 2019, même si la fin semble un peu bâclée. Pesant.

La servante écarlate – Margaret Atwood (521 pages)

Je ne regarde pas de séries, mais j’aime bien lire les livres qui les ont inspirées. Ecrit il y a trente-quatre ans, la servante écarlate est une dystopie où, du jour au lendemain, un puritanisme massif régit les Etats-Unis. 

Quand on voit que 14 états aux Etats-Unis ont voté des restrictions sur les droits à l’avortement, avec une loi particulièrement restrictive en Alabama, et tous les endroits dans le monde où les droits des femmes régressent, on est forcément interpellé pendant notre lecture. D’un jour à l’autre, les comptes bancaires des femmes sont bloqués, elles n’ont plus le droit de travailler, et les couples remariés après un divorce sont considérés comme illégitimes.

La planète ne fournit plus un air, une eau et une alimentation de qualité, si bien que la natalité a fortement plongé. (finir le livre précisément le jour où on annonce qu’on a déjà dépensé les ressources annuelles de la planète interpelle aussi.)

Ce qui est intéressant dans la démarche de Margaret Atwood, c’est qu’elle s’est appliquée à ne rien inventer, rien exagérer, tout ce qu’elle décrit a été appliqué par les êtres humains, dans diverses civilisations et époques. l’obscurantisme n’a jamais fait avancer l’humanité, l’a au mieux freinée, au pire, fait régresser.

Quand on sait que les Grecs avaient déjà compris que la terre était ronde, et qu’ils en avaient calculé la circonférence, mais qu’il a fallu 1800 ans ensuite pour l’admettre à nouveau, et que certains, aujourd’hui encore, revendiquent la platitude de la terre, j’ai juste envie de dire : Restons vigilants !