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L’allègement des vernis – Paul Saint Bris (347 pages)

Les éditions Philippe Rey nous montrent une fois de plus la qualité de leurs publications avec cet excellent roman de Paul Saint Bris.
Aurélien est conservateur au musée du Louvre, aile Denon, sinon la plus prestigieuse, celle dans laquelle se trouve la salle des États. Dans la salle des États est accroché le tableau le plus connu au monde : La Joconde. Daphnée, la nouvelle directrice de ce colosse majestueux a comme objectif d’augmenter le nombre de visiteurs qui frôle les 10 000 000 par an. Pour y parvenir, elle se fait aider d’un cabinet de conseil qui suggère de restaurer Monna Lisa. Or une telle opération est extrêmement périlleuse. Peinte sur un support en bois qui est fragile, le risque de dégradation est important. Le restaurateur qui en aurait la charge, si le projet est validé, aurait sur les épaules une responsabilité considérable et une pression publique énorme. Aurélien, un peu lâche, espère secrètement que les différentes étapes d’approbation du projet échoueront et qu’on ne touchera à rien, malgré le jaunissement et l’assombrissement inexorable de l’oeuvre. En parallèle, Homero, un homme de ménage du Louvre, qui attend peu de la vie, va s’attacher aux œuvres entre lesquelles il évolue avec son autolaveuse. Deux visions diamétralement opposées de l’art : le cérébral et l’émotif.

Ce que j’ai aimé dans ce roman, c’est l’opposition du conservatisme par rapport au modernisme, le mercantilisme opposé au beau, l’art moderne et l’art classique. On voit comment l’opinion publique évolue face à l’art, comment des œuvres qui ont été fustigées en leur temps sont ensuite admises comme étant des classiques. On apprend beaucoup de choses aussi, sur l’art de la restauration, le fonctionnement d’un musée comme le Louvre, sur l’histoire de l’art, de la peinture. Mais il est aussi bourré d’humour, avec des scènes mythiques. Un roman passionnant, drôle et charmant.

Et pour prolonger l’expérience, vous pouvez écouter ma chronique sur @radio-toucaen

https://radio-toucaen.fr/emission/isa-se-livre-13/

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Le grand amour de la pieuvre – Marie Berne (144 pages)

Jean Painlevé était un cinéaste et biologiste, le premier à avoir utilisé le cinéma comme moyen d’observation scientifique. Méprisé par ses pairs qui jugeaient ses techniques peu rigoureuses, il sera remarqué par André Breton et les surréalistes. L’histoire de ce cinéaste oublié est racontée du point de vue de l’animal, avec une écriture poétique et aquatique qui nous donne l’impression de lire au travers d’un aquarium. J’ignorais tout de ce scientifique, et la façon dont est relatée sa vie est une expérience pour le moins surréaliste et très originale.

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Le chewing gum de Nina Simone – Warren Ellis traduit de l’anglais par Noël et Liliane Dutrait (209 pages)

J’ignorais qui était Warren Ellis avant de lire ce livre. Je connaissais à peine Nick Cave. C’est comme ça, parfois, on ne tombe pas forcément sur un musicien qu’on découvre sur le tard. En réalité, si on est cinéphile, on connait forcément ce duo inséparable, car ils ont composé de nombreuses musiques de films, certaines primées. Warren est violoniste, il a absorbé tout un tas de substances illicites, a beaucoup bourlingué, est tout à fait barré à souhait comme un vrai artiste digne de ce nom, et ça a l’air d’être un super bonhomme. Fidèle en amitié, profondément généreux avec ceux qu’il aime. Et fan de Nina Simone. Nina Simone, grande artiste bourrée de tout un tas de substances plus ou moins illicites, pianiste classique contrariée, empêchée par les lois ségrégationnistes américaines a joué pour la dernière fois à Londres en 1999. Elle pose son chewing-gum sur le piano et s’éponge avec une serviette pendant un concert aussi mythique qu’étrange. A la fin du concert, Warren Ellis se précipite sur l’instrument et récupère le chewing-gum dans la serviette éponge. Vingt ans plus tard, Nick Cave l’appelle pour une exposition, en lui demandant s’il a des objets à prêter pour le musée. Il propose le chewing-gum. Illustré par des photos, Warren Ellis raconte cette histoire et la sienne au passage. Un moment de grâce, complètement décalé. Fan ou pas, vous entrerez dans un monde artistique à part qui vaut le détour.

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Saturation – Thael Boost (180 pages)

Thael Boost sublime sa passion de Gustave Courbet dans ce roman où elle nous raconte la vie de ce peintre qui scandalisé son époque et a profondément transformé l’art. Pour autant, ce n’est pas une biographie, elle choisit le point de vue du peintre, avec le recul qu’il pourrait avoir s’il voyait notre monde aujourd’hui. Il suit, fantôme discret, une jeune fille tout au long de sa vie, sans interaction. Il n’est pas intrusif, mais pose son regard de sage avec les parallèles qu’il peut envisager sur deux mondes, deux époques. Un très beau roman.

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Pourquoi pas la vie – Coline Pierré (376 pages)

Et si la poétesse Sylvia Plath ne s’était pas suicidée en 1963, écartelée entre son rôle de mère, de bonne épouse bafouée, trahie et quittée, et son envie incommensurable d’être libre et d’écrire ? C’est le postulat de Coline Pierré, qui a choisi la vie, plutôt que la mort, et fait vivre Sylvia au-delà de cette date fatidique. Mariée à l’un des plus grands poètes contemporains, Ted Hughes, elle aura été novatrice dans l’écriture, à la fois féministe et très ancrée dans le réel de la femme au foyer. Aujourd’hui, elle serait probablement détectée bipolaire. A l’époque, trahie par l’homme de sa vie, et malgré son succès déjà éclatant, elle ne trouvera pas d’autre issue et scellera son sort. Coline Pierré signe là une ode à la vie, aux femmes, au féminisme, à l’optimisme, tout en décrivant une époque, où le joug des femmes était bien difficile à enlever.

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Le baiser des muses – Nikolaus Harnoncourt (117 pages)

Niklaus Harnoncourt, violoncelliste et chef d’orchestre a beaucoup coopéré avec les journalistes pour se raconter et raconter sa vision du métier de chef d’orchestre lors d’entretiens mythiques. Bertrand Dermoncourt nous fait part dans ce cours ouvrage de thèmes chers au musicien pour nous faire effleurer son art, l’évolution du métier de musicien et des orchestres à cause de la mondialisation du métier. Un texte très intéressant.

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Ce que murmure Mona Lisa – Cécile Béné (241 pages)

Lorsqu’un vieux veuf, passionné de peinture rencontre sa petite voisine qui adore dessiner, une amitié sincère les lie, d’autant que l’adolescente s’entend mal avec sa mère, férue de musique. Patient, Georges va initier Johanne à transcender les émotions qu’elle ressent à la vue d’un tableau pour décortiquer et mettre des mots sur la technique, le contexte historique, politique et religieux de l’œuvre de Léonard de Vinci : La Joconde. Cécile Béné est aussi passionnée et érudite que ce monsieur. On apprend plein de choses dans ce joli roman. Si, comme moi, vous aimez la musique et la peinture, vous serez comblés.

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Les pêcheurs d’étoiles – Jean-Paul Delfino (233 pages)


Ce livre prometteur m’a beaucoup déçu. Une nuit en compagnie de Blaise Cendrars et Erik Satie, ça partait plutôt bien. Mais les personnages sont affreusement caricaturaux et pas du tout présentés à leur avantage. Deux de mes idoles bafouées, forcément, je m’insurge. Cendrars est présenté en titi gouailleur, rustre et vulgaire, Satie comme un type un peu bébête et timoré, obsédé par sa Biqui,(Suzanne Valardon, qui en effet, a été sa seule relation charnelle connue qu’il a demandée en mariage sans succès) après laquelle il court, amoureux transi et éconduit. Ont-ils été comme ça en vrai ? Peut-être mais quand même. Cendrars était Suisse de toute façon, donc pas titi parisien, quoi qu’il arrive. Et leur folle équipée dans le Paris d’après-guerre ressemble à un épisode de « Secret d’histoire », où l’on va tout vous raconter sur différents lieux de la Capitale, y compris les petites vicissitudes des uns et des autres. Je n’avais pas envie de voir ces deux-là comme des pouilleux, car ils ont su rester dignes dans la misère.

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Un voyage à Cognac – Laurence Benaïm (106 pages)

Voilà un livre magnifique, un superbe objet. Les aquarelles qui illustrent ce petit opus sont élégantes et l’ensemble dégage une forme de paix très apaisant. Le cognac, qui est pourtant l’alcool associé au feu par excellence dégage aussi cette tranquillité assise sur des siècles de savoir-faire. On se balade dans la ville autant qu’on en apprend sur cet alcool fort, l’un des plus exportés dans le monde, grâce au génie de Richard Hennessy, et de son fils James. Prenez le temps de ce voyage contemplatif.

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Tableau final de l’amour – Larry Tremblay (200 pages)

Je ne peux pas dire que je suis une grande fan de la peinture de Francis Bacon. Je ne peux pas dire que je connais bien cet artiste que j’ai à peu près découvert par hasard cet été en visitant le musée de Dublin où son atelier, véritable foutoir chaotique (il disait ne pouvoir créer que dans le chaos) a été déménagé de Londres pour être reproduit à l’identique. Sa peinture, violente et torturée ne me parle pas beaucoup.

Mais ce livre, pourtant pur roman, inspiré de la vie de l’artiste, nous apporte un éclairage sur son processus créatif très intéressant. L’auteur, bien documenté, imagine une version crédible du cheminement intellectuel du peintre. Tout en gardant la conscience et donc la distance nécessaire sur l’aspect biographique, j’ai l’impression de mieux comprendre cette œuvre difficile. Une vraie réussite.