Galerie

Monstres – Frédéric Richaud (181 pages)

Catherine Beauvais a été la lavandière du postérieur de la reine Anne d’Autriche. Intrigues au Louvres, mœurs et soins de l’époque, on plonge dans un univers malodorant et peu ragoutant mais instructif et prenant. Connue pour sa laideur (elle était borgne), elle a dû son salut à l’étude des plantes qui lui ont permis de soigner avec succès la famille royale. Un petit bouquin réjouissant et agréable, malgré son thème scatologique.

Galerie

Les silences de Pietrasecca – Alexandre Bertin (292 pages)

En 1944, les forces alliées libèrent l’Italie du joug mussolinien. Attendus en héros, les soldats vont commettre des atrocités, sous couvert de punir les fascistes. Comme toujours dans les guerres, ce sont les populations qui trinquent, et les femmes en particulier. En 1973, Lorena découvre que ses parents ne sont pas ses parents biologiques. Elle part alors à la recherche de la vérité sur ses origines véritables. Elle va aller de trouvaille sordide en trouvaille sordide. Cette histoire est particulièrement haletante, on suit Lorena dans sa quête. Comme elle, on voudrait savoir. Et ce que vous allez apprendre avec elle dépasse tout ce qu’on aurait pu imaginer.

Alexandre Bertin, après dixième manche, un roman sur le milieu du baseball a su brillamment se renouveler, avec comme thème de prédilection, encore une fois, les secrets de famille.

Galerie

Le dimanche du souvenir – Darragh Mc Keon traduit de l’anglais irlandais par Carine Chichereau (240 pages)

Simon fait des crises d’épilepsie tellement graves qu’elles l’empêchent de vivre et il est prévu de l’opérer. Les crises ont commencé peu de temps après un choc émotionnel terrible, où Simon, jeune adolescent, a été témoin et victime sans dommage physique apparent d’un attentat perpétré par l’IRA. Les crises cessent un moment et reprennent de façon impromptue alors qu’il croyait ce passé digéré. La construction du texte nous éclaire peu à peu, au rythme du refoulement du héros qui voit son passé ressurgir peu à peu.

A la moitié du roman, on change complètement de point de vue, et d’histoire en quelque sorte, pour revenir dans un final majestueux sur la culpabilité de Simon. Le ton et le style élégiaque apportent aux personnages leur profondeur et une tristesse infinie, comme une lame de fond, se diffuse au fur et à mesure de l’histoire. Un très beau roman qui retrace une période terrible de l’histoire irlandaise et de cet attentat en particulier, celui d’Enniskillen en 1987, avec son cortège de vies et de familles brisées.

Galerie

Armures – Stéphanie Hochet (216 pages)

Après William Shakespeare, Stéphanie Hochet s’attaque sur le même principe au mythe de Jeanne d’Arc, en mélangeant les faits historiques, la fiction et l’autobiographie. L’autrice a trouvé une voie (une voix ?) bien à elle et l’exploite encore une fois avec brio. Et si Jeanne d’Arc avait douté ? A-t-elle vraiment cru elle-même à ses visions ? Et si elle avait un peu enjolivé pour échapper à un destin tout tracé ? Pourquoi a-t-elle tant insisté pour être « La Pucelle » sinon pour éviter un mariage et la vie associée, broderie et élevage de marmots ? Et quelle femme ! à l’époque où il est interdit de se travestir, elle s’habille résolument en homme et elle est suffisamment convaincante pour entraîner dans son sillage des guerriers qui la suivent sans broncher.
Puis l’autrice nous parle de son frère d’armes, Gilles de Rais, dont on a oublié la bravoure et les faits d’armes pour ne se rappeler que du tueur en série d’enfants. (Cherchez sur Google, ils vous le présentent ainsi). Cet ogre féru d’alchimie ressemble étrangement à l’oncle de Stéphanie. Laissez-vous embarquer dans la grande histoire. Peut-être y découvrirez-vous des secrets bien enfouis.

Pour prolonger l’expérience, vous pouvez écouter l’émission de radio où j’ai invité l’autrice https://radio-toucaen.fr/emission/isa-se-livre-19-speciale-shakespeare/

Galerie

Maurice Bavaud a voulu tuer Hitler – Niklaus Meienberg traduit de l’allemand par Luc Weibel (283 pages)

En 1938, Maurice Bavaud, 22 ans, après une formation de missionnaire en Bretagne, vole de l’argent à sa mère et se rend en Allemagne pour tuer Hitler. Après une tentative infructueuse où il ne sort même pas son pistolet, il se fait prendre sans billet dans un train et se fait arrêter, torturer et décapiter avec la bénédiction des diplomates suisses en Allemagne, fervents admirateurs du nazisme. Nié par l’histoire, oublié par ses pairs, l’histoire ressort à charge dans les années 70 via un journal d’extrême-droite. Nicolas Meienberg, épris de justice et de véracité fera une enquête complète et minutieuse qui vient contredire les postulats de ses opposants. Après un film documentaire, le journaliste en écrira l’histoire absolument tragique qui n’aurait jamais dû se traduire par une condamnation à mort. Ce qui est très intéressant, c’est que l’enquête a été menée avec des sources de première main, puisque les protagonistes étaient tous vivants au moment où Nicolas Meienberg et son équipe sont allés les interroger. Avec des relents nauséabonds qui avaient moins de 30 ans à l’époque des interviews.

Galerie

Kaputt – Curzio Malaparte traduit de l’italien par Juliette Bertrand (502 pages)

Ce classique italien, dont le manuscrit lui-même est chargé d’histoire puisque ce récit a été écrit pendant la deuxième guerre mondiale entre 1941 et 1943, sur l’horreur de la guerre, son absurdité et la folie des hommes pendant cette même période. Il a été divisé en trois parties, caché, et chaque partie a rejoint son propriétaire pour qu’il soit finalement publié en 1944.

La conséquence du parcours chaotique de ce manuscrit est peut-être la raison d’une écriture hachée dans le temps qui a amené l’auteur à réutiliser les mêmes images poétiques tout au long du récit en répétitions un peu lassantes. Chaque histoire terrible fait reposer le livre un moment tant il est lourd de l’horreur qu’il décrit. Massacres divers, pogroms, domination, c’est un roman ironique et cynique sur l’impuissance, comme le disait l’auteur :  un livre horriblement cruel et gai.

En effet, les six parties qui parlent d’animaux (Les chevaux, les rats, les chiens, les oiseaux, les rennes et les mouches) mettent en miroir le sacrifice des animaux pendant une guerre orchestrée par les hommes où les anecdotes sont racontées dans dîners mondains aussi absurdes que l’aberration de la guerre elle-même.

Il note l’ironie du mot « Kaputt » en allemand, une certaine fatalité de ce qui est brisé, alors que son étymologie vient d’un mot hébreu « Kopparoth » qui fait référence à la victime sacrifiée.

Je suis contente d’être allée au bout, mais il pèse comme un cheval mort. Dans ces périodes troublées, il est néanmoins essentiel de retourner aux sources des contemporains de cette période effroyable.

Galerie

Saturation – Thael Boost (180 pages)

Thael Boost sublime sa passion de Gustave Courbet dans ce roman où elle nous raconte la vie de ce peintre qui scandalisé son époque et a profondément transformé l’art. Pour autant, ce n’est pas une biographie, elle choisit le point de vue du peintre, avec le recul qu’il pourrait avoir s’il voyait notre monde aujourd’hui. Il suit, fantôme discret, une jeune fille tout au long de sa vie, sans interaction. Il n’est pas intrusif, mais pose son regard de sage avec les parallèles qu’il peut envisager sur deux mondes, deux époques. Un très beau roman.

Galerie

Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis – Nétonon Noël Ndjékéry (349 pages)

Voilà un pays dont on ne parle jamais : Le Tchad. Et pourtant, il s’en passe depuis plusieurs siècles des choses, dans ce pays d’Afrique noire, ce pays limitrophe avec les pays de l’Islam qui l’oppressent depuis toujours. Sa population a été l’objet de souffrances continuelles, esclavagisme imposé par les pays musulmans, puis par les colons européens, et maintenant au cœur de la terreur imposée par Boko Haram. Dans ce pays qui n’a pas de littoral mais qui possède l’un des plus grands lacs du monde, grand comme une mer, objet de convoitise entre tous les pays limitrophes, qui se meurt, symbole catastrophique de notre Terre qui se porte si mal, l’auteur invente une communauté de paix, esclaves fuyards, prisonniers échappés, tous les opprimés qui accepteront les règles de l’île mouvante sur laquelle les héros ont trouvé refuge.

Un livre très complet pour rattraper son ignorance sur l’histoire d’un pays qu’on connaît mal, et une histoire pleine d’espoir sur l’importance de l’éducation, de l’ouverture d’esprit, du savoir. Un roman passé inaperçu qui mérite qu’on le remette sur le haut de la pile.

P.S. dans cette période trouble et troublée, n’oubliez jamais que l’ouverture aux autres par la culture et la lecture est un gage de paix.

Galerie

Ressacs – Clarisse Griffon du Bellay (111 pages)

L’ancêtre de Clarisse est l’un des rares survivants du radeau de la Méduse. Nous connaissons tous le tableau magistral de Géricault, mais j’ignorais que c’était une vraie histoire. Sur fond politique instable, visant à destituer le ministre de la marine, cet évènement déjà terrible en soi va devenir le centre d’un enjeu qui dépasse les protagonistes. L’ancêtre de Clarisse va acquérir le livre officiel et donnera sa propre version de ces jours tragiques en l’annotant pour corriger les faits décrits. Clarisse est la descendante d’un homme qui a survécu grâce à des actes de cannibalisme. Inconsciemment, son art va en devenir la revendication. Elle va expurger la culpabilité de son ancêtre, gardée secrète, pour la refléter dans sa sculpture. Bien écrit et terriblement romanesque, on peut néanmoins regretter qu’elle ne s’attarde pas plus profondément sur l’histoire de son aïeul, en insistant davantage sur le contexte historique. Une histoire qui se dévore…

Galerie

J’écris ton nom – Sylvestre Sbille (318 pages)

Beaucoup de gens ont aimé ce livre parce qu’il évoque un fait d’armes de la résistance peu connu : la libération de plus de 200 personnes d’un train en partance pour les camps de la mort en 1943 en Belgique. C’est vrai, en France, on parle peu des résistants belges. Et c’est bien de leur rendre hommage. Cependant, quand on écrit un roman historique, on se doit d’être irréprochable sur les détails historiques. Qu’on prenne des libertés avec la pensée des protagonistes ou des détails de leur vie intime, pourquoi pas. Qu’on s’arrange même avec l’histoire, pourquoi pas, tant qu’on y fait référence dans des notes de fin par exemple. Mais qu’on commette des fautes historiques visibles par de simples lecteurs comme moi qui ne sont pas historiens, ce n’est pas acceptable. Des détails, comme des fautes d’orthographe, m’ont heurtée comme des gifles. Aucun citoyen lambda, aussi informé soit-il n’avait de notions concernant la bombe atomique en 1943. Le riz n’était pas la denrée principale dans les foyers. Et si quelques personnes commençaient à évoquer que les camps de travail n’étaient que des fours crématoires où on supprimait massivement tous les indésirables, c’était très limité. Je pense que Youra et ses comparses ont voulu libérer les gens qui partaient travailler, pas mourir.

Je n’ai de ce fait pas non plus trouvé la plume douce. Ni juste ni douce. Les juifs n’étaient pas tous idiots et les nazis au fait que leur graisse servirait de savon. La naïveté que décrit l’auteur des personnes riches qui payaient des pots de vin dans l’espoir d’être libérés prouve bien à quel point ils étaient à mille lieues de ce qui les attendait. J’ai eu l’impression que les phrases sonnaient comme des reproches à leur égard. Il y a beaucoup de littérature sur la deuxième guerre mondiale. Cet ouvrage n’est pas celui que je conseillerai.