Un pas, une pierre, un chemin qui chemine… Stéphanie Lamache part à la recherche de ses origines pour comprendre qui elle est au travers d’objets de son enfance, puisque dans sa famille de taiseux, on n’expliquait rien aux enfants. La violence verbale, plus ou moins larvée était le mode de communication privilégié. Dans le bocage normand, elle retrouve les chemins de sa jeunesse pour éclairer les racines de l’effondrement de cette famille dysfonctionnelle.
Je découvre Dany Laferrière, grand romancier d’origine haïtienne par ce petit ouvrage qui raconte son arrivée dans le plus extrême dénuement au Canada où il s’est installé lorsqu’il avait une vingtaine d’années. L’écriture incroyablement poétique en vers libres de ce roman m’a bouleversée. On est décidément plus sensible à certaines écritures qu’à d’autres. Je remercie Monsieur Laferrière de s’être mis à raconter sa vie. Il le fait d’une manière tout à fait délicate.
Murakami est un écrivain connu pour ses romans tel Kafka sur le rivage. Je suis entrée dans l’univers Murakami par la petite porte et son amour des teeshirts dont il a une collection impressionnante. Dans cet ouvrage, il en sort quelques-uns de sa collection, pour la plupart acquis dans des friperies de Hawaï et nous en raconte l’histoire. Divertissant, en particulier pour ses fans.
Pauline est une ancienne Femen qui a décidé avec deux camarades de manifester seins nus en Tunisie, pour montrer ce qu’est une femme libre, pour démontrer la sororité, la solidarité. On est en 2013, le printemps arabe a libéré certains pays du Maghreb. Mais elle est jetée dans la prison pour femmes de Tunis, La Manouba, dans laquelle elle va devoir apprendre un ordre nouveau, des codes qui lui sont étrangers, dans une langue qu’elle ne connaît pas. La saleté, l’insalubrité, le dénuement, les mauvais traitements la marqueront à jamais.
Mais elle va aussi découvrir ce qu’elle croyait connaître et ignorait en réalité : la sororité et la solidarité. J’ai bien aimé ces portraits de femmes, parfois opprimées, parfois criminelles, et le regard de l’autrice qui change, passant de la petite bourgeoise qui croit savoir et apprendre aux autres ce qu’elle sait, à une femme plus mûre qui comprend qu’elle ne savait rien et qu’elle a tout à apprendre des autres. Une expérience très dure mais riche d’humanité.
Shakespeare a disparu pendant 7 ans. Quoi de plus romanesque pour une écrivaine comme Stéphanie Hochet, qui a étudié les œuvres de ce génie monumental pendant ses années d’études ? Mêlant biographie, fiction et autobiographie, l’autrice nous propose une version crédible de ces années perdues, tout en essayant de décrypter les mécanismes de sa famille dysfonctionnelle. Un roman très original dont les aspects très variés m’ont beaucoup plu et intéressé. Pour prolonger l’expérience, vous pouvez écouter l’émission de radio où j’ai invité l’autrice https://radio-toucaen.fr/emission/isa-se-livre-19-speciale-shakespeare/
Quelle histoire épouvantable, ce gendarme, puis flic qui a violé et aussi tué des petites filles pendant trente ans en échappant sans cesse à ses confrères ! Journaliste judiciaire, Patricia Tourancheau a suivi cette affaire pendant des années. C’est la spécialiste du sujet. Comme tous les protagonistes encore vivants et impliqués, elle a été soulagée qu’on ait finalement démasqué ce monstre à deux têtes. Un reportage glaçant et incroyablement bien documenté.
Après William Shakespeare, Stéphanie Hochet s’attaque sur le même principe au mythe de Jeanne d’Arc, en mélangeant les faits historiques, la fiction et l’autobiographie. L’autrice a trouvé une voie (une voix ?) bien à elle et l’exploite encore une fois avec brio. Et si Jeanne d’Arc avait douté ? A-t-elle vraiment cru elle-même à ses visions ? Et si elle avait un peu enjolivé pour échapper à un destin tout tracé ? Pourquoi a-t-elle tant insisté pour être « La Pucelle » sinon pour éviter un mariage et la vie associée, broderie et élevage de marmots ? Et quelle femme ! à l’époque où il est interdit de se travestir, elle s’habille résolument en homme et elle est suffisamment convaincante pour entraîner dans son sillage des guerriers qui la suivent sans broncher. Puis l’autrice nous parle de son frère d’armes, Gilles de Rais, dont on a oublié la bravoure et les faits d’armes pour ne se rappeler que du tueur en série d’enfants. (Cherchez sur Google, ils vous le présentent ainsi). Cet ogre féru d’alchimie ressemble étrangement à l’oncle de Stéphanie. Laissez-vous embarquer dans la grande histoire. Peut-être y découvrirez-vous des secrets bien enfouis.
J’avais adoré « Les pantoufles « du même auteur, alors j’ai pensé que cet hommage aux myopes allait forcément me parler. La couverture est géniale et représente bien ce que nous vivons, nous, les bigleux. D’ailleurs, si quelqu’un passait à ma portée, là, maintenant, il trouverait que je regarde mon téléphone de bien trop près, en me faisant remarquer que je devrais changer de lunettes ! Et je répondrais, comme toujours : « Mais je vois très bien de près ! » Nés à une époque où les verres n’étaient pas amincis, et où la technologie imposait par la même occasion des montures immenses quand ce n’était pas la mode, nous avons souffert de moqueries. Notre physique était mangé par des lunettes qui nous privaient de popularité. C’est ce que nous raconte l’auteur au travers de ses souvenirs. Il aurait pu aller plus loin. Il aurait pu être encore plus drôle. J’aurais dû me sentir encore plus en osmose avec ses souffrances, les quolibets reçus, les anecdotes vécues. Un petit livre sympathique qui brille moins que ses pantoufles lustrées.
J’avais adoré Morsures de nuit, je me suis replongée avec délectation dans l’écriture de Ervé, âpre et poétique, où la lumière éclot de manière inattendue dans cette vie d’enfant brisée, dans le cul rond et blanc d’araignées ou dans la rosée qui fait scintiller leurs toiles. Le style de cet écrivain est vraiment magnifique et je vous invite à aller écouter le replay de l’émission de radio que nous avons fait ensemble, un moment touchant et pur, comme l’exquise personne qu’il est, où vous pourrez aussi découvrir d’autres aspects de cet artiste complet, musicien, dessinateur mais surtout : écrivain.
En 1938, Maurice Bavaud, 22 ans, après une formation de missionnaire en Bretagne, vole de l’argent à sa mère et se rend en Allemagne pour tuer Hitler. Après une tentative infructueuse où il ne sort même pas son pistolet, il se fait prendre sans billet dans un train et se fait arrêter, torturer et décapiter avec la bénédiction des diplomates suisses en Allemagne, fervents admirateurs du nazisme. Nié par l’histoire, oublié par ses pairs, l’histoire ressort à charge dans les années 70 via un journal d’extrême-droite. Nicolas Meienberg, épris de justice et de véracité fera une enquête complète et minutieuse qui vient contredire les postulats de ses opposants. Après un film documentaire, le journaliste en écrira l’histoire absolument tragique qui n’aurait jamais dû se traduire par une condamnation à mort. Ce qui est très intéressant, c’est que l’enquête a été menée avec des sources de première main, puisque les protagonistes étaient tous vivants au moment où Nicolas Meienberg et son équipe sont allés les interroger. Avec des relents nauséabonds qui avaient moins de 30 ans à l’époque des interviews.