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Maupassant, trois vies – Florence Lizé (320 pages)

Maupassant, cet écrivain fascinant, nous a laissé des œuvres inoubliables. A chaque fois que je dis que je viens de lire un bouquin sur Maupassant, on me répond souvent que c’est l’auteur qui a donné envie de lire, qui a marqué l’adolescence. Je n’échappe pas à la règle, et je me rappelle même avoir douté que la représentation du Horla que tous les élèves de Grenoble allaient voir, était le reflet d’un écrit d’un écrivain classique. Quelle claque !

Mais qui était l’homme, derrière l’auteur adulé ? Florence Lizé décortique, au travers de trois femmes qui ont compté dans sa vie – sa mère, la mère de ses enfants, une de ses innombrables maîtresses – son parcours, mais elle analyse aussi son œuvre au prisme des critiques de l’époque. Avec une écriture littéraire qui se prête admirablement au style de l’époque, elle nous embarque pour un week-end avec ces trois femmes qui finissent par se respecter, bien qu’elles se livrent à des joutes verbales acerbes.

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À la recherche du vivant – Iida turpeinen, traduit du finnois par Sébastien Cagnoli (292 pages)

Steller, scientifique du milieu du 18ème siècle part en expédition pour trouver d’autres chemins vers l’Amérique. Le commandant Bering mourra en laissant son nom au détroit, à la mer et à l’île où il est décédé. Le scientifique donnera son nom à plusieurs animaux, tous disparus, dont la rythine de Steller, cette vache de mer géante, sans prédateur depuis la préhistoire, qui va s’éteindre en moins de 30 ans. L’autrice raconte l’histoire de ce pauvre animal, mais aussi tous les méandres philosophiques qui ont accompagné ces exterminations. L’homme n’imaginait pas qu’il pouvait être à l’origine de l’ extinction d’une espèce. De même, il a fallu longtemps pour découvrir que les mammouths que l’on trouvait dans la tourbe n’étaient pas des animaux vivants sous terre qui mourraient en essayant d’en sortir, mais qu’il s’agissait de vestiges d’un lointain passé.

J’ai été intriguée par ce roman qui évoque des sujets originaux et pourtant d’une extrême actualité, puisque des espèces disparaissent chaque jour, à cause de l’homme. J’ai trouvé ça passionnant !

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La villa Ruby – Mika Mundsen (637 pages)

En 1864, sous le second empire, une bande de notables achète pour une bouchée de pain des terrains marécageux en contrebas de Trouville. L’objectif : créer une ville luxueuse de toutes pièces qui concurrencera son illustre rivale perchée.

Deauville naît de cette idée un peu folle. Elle aura le succès qu’on lui connaît, et conserve encore aujourd’hui ce côté un peu snob et surfait. L’auteur raconte des moments marquants de l’histoire au travers d’une villa abandonnée jusqu’à nos jours où le descendant du premier propriétaire de la maison réapparaît mystérieusement comme un vestige du passé ressuscité. Les personnages sont attachants, laissez-vous entraîner dans le tourbillon de cette histoire foisonnante qui mêle habilement le suranné aux sujets d’une grande actualité. Mika Mundsen prouve encore une fois qu’il n’a aucun genre de prédilection et qu’on ne peut pas l’enfermer dans l’une des malles qu’il nous incite à ouvrir dans le grenier. Fouillez-les pour trouver des histoires parallèles à l’intrigue principale.

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Le dernier Syrien – Omar Youssef Souleimane (220 pages)

Joséphine, Youssef, Rachid, Khalil, Muhammad… Printemps arabe, 2011. Après la vague de liberté qui a déferlé sur l’Afrique du Nord, le peuple Syrien essaie à son tour de faire valoir ses droits. Ces jeunes n’aspirent qu’à avoir un parlement, des lois justes, une meilleure répartition des richesses. Malheureusement, Bachar El Assad va s’accrocher à son pouvoir dans une répression terrible, torturant et tuant tout contestataire, semant la terreur. Abandonnés du reste du monde, les Syriens vont être pris en étau entre une dictature fasciste et un islamisme intégriste montant. L’auteur, exilé politique lui-même, décrit la pression qui monta peu à peu pour cette jeunesse qui a cru à la justice et qui n’a trouvé que les impasses de la fuite ou de la mort. On aurait envie que ça finisse bien. On sait que ça n’a pas été le cas. J’avais ce livre dans ma PAL depuis un moment, la sortie du dernier ouvrage de l’auteur sur les accointances de LFI avec les islamistes m’a donné envie de le faire remonter dans ma pile.
Dans un roman, on peut dire n’importe quoi. Mais quand on voit les contre-vérités assénées dans notre beau pays, il est bon de s’appuyer sur des personnes qui savent de quoi elles parlent et non des pseudos spécialistes qui s’expriment à tort et à travers.

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La lettre – Marc S. Masse (334 pages)

J‘ai une sorte de passion pour Henri IV, cet obsédé sexuel puant l’ail et la sueur. Je ne suis pas royaliste et non, je n’ai pas 320 ans, pas plus que des fantasmes bizarres et odorants. Mais depuis que je suis petite, j’associe ce personnage bon vivant à l’édit de Nantes et au début du droit de culte en France. À la paix. Il n’en fallait pas plus pour que je saute sur cet épisode de l’histoire rocambolesque de notre bon roi, fou d’amour et de désir qui écrivit une lettre malencontreuse dont les conséquences auraient pu mettre en péril le royaume. L’auteur navigue comme souvent entre un fait historique et une fiction entremêlés. L’enquête moderne complète le cheminement de cette lettre et ravive le contexte politique, militaire, économique de ce début du 17eme siècle. Je me suis régalée.

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Camille ou la vraie vie – Brigitte Piedfert (450 pages)

Le Havre, 1868 : C’est l’exposition universelle maritime, un événement qui met la ville en effervescence. Camille, une jeune et jolie orpheline travaille au stand de la bibliothèque que le directeur lui a confié. Elle l’a aménagé avec passion et sérieux, c’est un succès. Elle fait tourner la tête de Witold, un Polonais qui veut s’établir aux Etats-Unis mais aussi celle d’Esteban, un bouvier espagnol qui emporte le cœur de la jeune femme. Comme toujours, l’autrice mêle l’histoire de la Normandie à celle de l’Espagne. Elle signe là son roman le plus romantique, en rendant un bel hommage à Victor Hugo. Elle raconte aussi la condition des femmes au 19ème siècle et les combats qui ont dû être menés pour grappiller des bribes d’égalité. Vous vous laisserez entraîner par le vent romanesque de cette jeune bibliothécaire altruiste.

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Celui qui vient avec l’orage – Catherine Boissel (450 pages)

Avez-vous déjà entendu parler des code talkers ? ou des Comanche speakers ? Durant la deuxième guerre mondiale, à une époque où Google traduction n’était pas encore disponible, les Etats-Unis ont eu la riche idée d’utiliser des guerriers Comanches pour passer des messages codés. Hormis une toute petite communauté à laquelle accessoirement on avait passé l’enfance et la langue au savon pour en laver le parler « sale », personne ne pouvait comprendre ce que ces hommes se disaient. 17 hommes ont fait partie de cette compagnie très particulière de transmissions, 13 ont débarqué le 6 juin. Leur courage et leur langue unique a contribué au succès des alliés. En partant de ce fait historique, Catherine Boissel nous livre un roman qui mêle secrets de famille, histoires d’amour, trahisons et solidarité de l’amitié où la vérité éclate grâce à celui qui vient avec l’orage. Un page turner au happy end qui met en avant des hommes restés trop longtemps dans l’ombre.

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L’histoire de Mother Naked – Glen James Brown, traduit de l’anglais par Claire Charrier (256 pages)

Quand Annie-Rose nous a proposé de réitérer une lecture commune de rentrée littéraire avec les éditions du Typhon , j’ai dit oui les yeux fermés, malgré une élocution approximative sur un message vocal d’anthologie et un titre étrange. Allions-nous entamer une lecture d’un livre olé-olé ? Étais-je la seule dans la bookstasphère à utiliser des expressions si désuètes qu’elles m’évinçaient d’office pour appréhender ce roman ?

Je vous rappelle que je fuis la rentrée littéraire et ses 500 bouquins publiés, car un livre bon aujourd’hui sera bon dans 5 ans, et souvent, le temps se charge de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie. Mais là, vous pouvez vous lancer les yeux fermés (non, pour lire, ce n’est pas idéal) dans ce roman médiéval, où l’on peut souligner le remarquable travail de la traductrice pour nous plonger dans l’époque sans que ce soit pesant.

En fouillant dans les archives de Durham, l’auteur est tombé sur la petite phrase qui l’a intrigué et lui a donné l’envie de broder l’histoire qu’il nous conte ici.

Le roman se situe en 1434 pour relater de faits qui se sont déroulés quarante ans plus tôt, un drame, un spectre et un ménestrel qui vient raviver des plaies qui ne se sont jamais refermées. L’air de ne pas y toucher, il va mettre en exergue l’incompétence, la cupidité, la jalousie et l’injustice qui se sont abattues sur ce village et l’ont plongées dans le chaos.

Merci pour cette découverte, je crois que malgré certaines réticences, ce roman a fait l’unanimité dans notre groupe.

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Indomptables – Bruno Doucey (236 pages)

La première partie de ce roman alterne les chapitres des biographies croisées de Vitali Klitschko et de Mira Rai, deux athlètes d’exception pourtant si différents. L’opposition de ce champion du monde de boxe qui a la carrure d’une montagne à cette souris championne de trail, nous éclaire sur différentes façons de s’évader par le sport. Puis arrive Mélina, Ukrainienne d’origine grecque, terrée dans les abris au début de la guerre. Cette dernière préparait un colloque où elle aurait interviewé simultanément les deux athlètes.

Bruno Doucey est l’un des plus grands poètes de notre époque et il nous livre un très beau roman sur le dépassement de soi, les résistances face au mal, et nous donne des exemples de quelques personnages, réels ou fictifs, qui, chacun à leur manière, ont su rester indomptables face à l’adversité.

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Mon nom est Rouge – Orhan Pamuk, traduit du turc par Gilles Autier (736 pages)

Prix Nobel de littérature, l’auteur se lance ici dans un roman dense et original où chaque chapitre donne la voix à un personnage. Souvent, les narrateurs sont humains, mais on trouve aussi parmi eux des esquisses et la couleur rouge qui donne son titre à l’ouvrage. Le thème principal du livre est l’histoire de l’enluminure en Turquie à la fin du 16ème siècle en miroir avec l’art occidental. À cette époque, l’Europe développe de nouvelles techniques picturales, notamment avec l’introduction de l’ombre et de la perspective. Chaque marchand aisé souhaite avoir son portrait, celui de sa femme et de sa famille. Ces aspects de la peinture occidentale s’opposent violemment à l’Islam qui considère comme blasphématoire de se faire peindre ainsi que la perspective permettant des représentations de Dieu plus petites qu’une mouche au premier plan. Ce dilemme enflamme l’esprit des peintres et celui des sultans qui cherchent à acquérir les plus beaux trésors au travers de livres richement décorés d’or. Les pages contenant des images sont parfois enlevées de leurs livres d’origine pour être réutilisées dans d’autres ouvrages à la gloire d’autres dirigeants.
Ce roman est aussi une enquête policière. L’assassin parle d’une voix différente de son double non maléfique et l’auteur vous invite à découvrir qui il est. Il est difficile de faire sentir toute la subtilité de ce roman tant il est foisonnant, mais on apprend beaucoup sur cette période et cette région qu’on connaît mal.