Hamon, Baron de Courtet est un héros chevaleresque, le plus habile à l’épée, fort et résistant, et aux qualités humaines colossales.
A la fin du 17ème siècle, il devient le collaborateur précieux du commis du Roi. Mais quelqu’un veut attenter à sa vie, au point de vouloir aussi s’en prendre à sa famille. Cette saga enchantera les amoureux de romans historiques, bien écrit, avec des personnages très attachants. C’est parfois un peu cousu de fil blanc, avec ses héros invincibles, mais ce livre fait du bien, et on se réjouit que les gentils triomphent du mal.
Toujours dans le cadre du festival des Boréales qui approche à grands pas, l’illustrateur Terkel Risbjerg a collaboré avec Anne-Caroline Pandolfo sur plusieurs projets de romans graphiques. Ils se sont attaqués à des mythes comme Perceval, mais ont aussi adapté des romans (L’astragale, Serena…) ou des biographies. Ici, il s’agit de Karen Blixen, Danoise éprise d’aventure et de liberté. Cette femme hors du commun, née à la fin du 19ème siècle dans une famille où les femmes étaient d’un puritanisme absolu, mais dont le père a insufflé à cette petite fille rebelle son goût de l’aventure, des voyages et de l’écriture.
Vous avez peut-être entendu parler de « Out of Africa » le film un peu suranné avec la sublime Meryl Streep qui s’intéressait déjà à ce destin hors du commun, dont le titre est celui du récit que Karen Blixen elle-même a écrit au sujet de son expérience de plantation de café en Afrique (qui porte en français le terne titre de « La ferme africaine »).
Pour aborder toute la complexité de la personnalité de Karen Blixen, le sujet est ici traité avec un scénario empreint de poésie et de surnaturel. Vous adorerez rencontrer cette femme, fragile et forte à la fois.
Une histoire dans la grande Histoire. La guerre civile d’Espagne, puis la deuxième guerre mondiale vues sous un angle à la fois lourd et léger. Inspiré par un évènement réel, la coopérative de fabrication de confiseries, ce roman plein d’humanité, de joie et d’enthousiasme est bien écrit, très documenté et l’aspect doux et joyeux qui s’en dégage compense le côté tragique de cette période funeste.
Parenthèse en préambule : Quand un livre de la rentrée littéraire est bon, il est toujours bon plusieurs années plus tard. J’avais repéré ce livre à sa sortie en 2019. Ainsi, ne me demandez aucun conseil pour démêler le grain de l’ivraie des 520 livres publiés cet automne. On en reparle dans quelques années.
J’aime particulièrement cette période de l’histoire entre le moyen âge et la renaissance où les hommes se sont peu à peu ouverts à l’étude des sciences pour laisser une place plus grande à ce que nous enseignait la nature. Sortir de l’obscurantisme religieux où des hommes se prenaient pour Dieu et imposaient à d’autres hommes leur pensée dictatoriale sous couvert de châtiment divin. Admettre que l’homme pouvait soigner ses semblables grâce à des pratiques et des plantes. Que Dieu seul n’y pourvoyait pas.
L’histoire fictive de ce couvent de femmes, dédiées à la charité grâce à un hôpital consacré aux indigents, et à la fabrication de produits concoctés par une doyenne au savoir pharmaceutique colossal est un pur chef d’œuvre. Et il a des résonnances actuelles très fortes. En effet, le peuple est prompt à ériger des bûchers pour brûler de prétendues sorcières. Sait-on vraiment ce qu’il y a dans les potions de sœur Clémence ? Ne serait-elle pas une sorcière qui tuerait des enfants pour prélever leur sang au lieu de les sauver ?
Les intrigues politiques, les complots, la soif de connaissance, la place de la femme dans la société, tout y est. Ce roman est foisonnant d’informations sur la société de la fin du 16ème siècle, sur les simples et certaines applications comestibles ou thérapeutiques (et une résonance personnelle sur ce professeur de botanique en pharmacie à l’université de Caen à qui je rends hommage, merci M. Rioult pour la passion que vous transmettez à vos élèves) et l’histoire du roman en tant que tel est particulièrement réussie, bien écrite et captivante.
Treize nouvelles bien construites sur le thème du chemin de fer et de la deuxième guerre mondiale essentiellement, et plutôt bien écrit.
Les personnages sont croqués en quelques traits crédibles et des histoires auxquelles on croit, des drames individuels inscrits dans la grande histoire.
Rosa est une sorcière. Elle vit et meurt et renaît, et fait passer les morts dans l’autre monde. On la suit en tant qu’homme, en tant que femme, selon ses réincarnations, on la suit en poilu de la première guerre ou esclave noire aux Etats-Unis. Mais en filigrane, Rosa est amoureuse et elle qui lit généralement à livre ouvert les humains, elle se heurte cette fois à un esprit au moins aussi fort que le sien. Un joli petit ouvrage qui parle de vie, de mort, de racisme, de tolérance, d’histoire… et d’amour.
Sarah Barukh a ce don déjà repéré dans « Envole-moi » de créer des personnages tellement vrais qu’ils ne vous quittent pas et qu’on s’imprègne de leur vie et de leur histoire sans arriver à décrocher. Dans la famille de Sophie, trente-sept ans, il y a toujours eu deux clans : celui qu’elle formait avec son père et celui formé par sa mère et sa sœur. Alors, quand son père tombe très malade, son univers déjà fragile s’écroule complètement. Et elle va découvrir qu’on lui a menti toute sa vie.
Vous pourriez penser que je viens de tout vous dévoiler. Or il n’en est rien, car vous ferez très rapidement le lien entre Sophie et Abril, le bébé que Sol a eu, il y a trente-sept ans et qu’elle n’a pas élevé, à cause des terribles évènements qui se sont déroulés en Argentine de 1976 à 1983, où la junte militaire était au pouvoir. On sait qu’elle a souffert, qu’elle a été torturée et qu’on lui a enlevé son bébé. Mais pendant tout le livre, vous chercherez le fil, le lien, de l’histoire dramatique qui s’est déroulée à l’époque.
Toutes les dictatures, beaucoup de civilisations ont trouvé juste de voler des bébés à leurs ennemis pour les implanter dans des familles plus dignes. Marc Fernandez traitait le cas des bébés volés sous Franco en Espagne (voir «Mala vida»).
Ici, la grande Histoire n’est qu’un prétexte pour évoquer les thèmes de la construction des personnes dont la vie s’est bâtie sur des mensonges, les relations mère/enfant réelles et fantasmées de part et d’autre, la somatisation des enfants qui savent les secrets sans qu’on leur ait raconté, la reconstruction bancale et la vie en temps de paix des personnes qui ont été torturées.
En prévision de la rencontre avec l’autrice et son éditrice, très complices, nous avons décidé de faire lecture commune avec d’autres lectrices. Cette lecture bouleversante nous a amenées chacune à nous dévoiler sur des pans intimes de nos vies. Nous avons constaté que ce roman entre forcément en résonnance avec votre vécu, d’une manière ou d’une autre. Ce diapason nous a d’autant mieux accordé que nous sommes toutes mamans.
Lorsque l’on décide de s’intéresser de près aux bâtiments qui nous entourent dans nos villes au quotidien, on pourra rapidement déceler des éléments architecturaux qui en racontent l’histoire. Et si on fait des recherches sur les petites histoires de la grande Histoire qui y sont associées, on peut se plonger dans une quête quasi obsessionnelle.
Voilà la démarche de l’auteur qui est parti de simples balades dans Caen pour s’intéresser de près à une organisation secrète du 18ème siècle, à la structure proche de celle des Francs-Maçons, dont le but était de bien boire, bien manger et plus si affinités. Surveillées par des policiers infiltrés, ces organisations, soupçonnées du pire seront rapidement innocentées, et l’Ordre de la félicité tombera dans l’oubli à la mort de son fondateur. Au travers des rapports du policier infiltré, Jean-Michel Legaud fait revivre cette organisation disparue.
Ce roman est une expérience pour tous ceux qui l’abordent. J’ai pris mon temps, ce n’est pas un livre qu’on lit par-dessus la jambe.
Le sujet : Deux hommes, un Palestinien, un Israélien ont chacun perdu une fille à cause du camp adverse. Ils parcourent inlassablement le monde pour parler de leur histoire en expliquant qu’ils n’ont plus d’énergie pour la haine ou la vengeance. Qu’ils ont choisi la paix, qu’ils ont choisi de comprendre l’autre, de parler, de se comprendre.
Vous pleurerez les morts. Aucun enfant ne devrait mourir dans une explosion, ou d’une balle en caoutchouc tirée dans la tête par derrière. Vous serez bouleversé par l’histoire, vous essaierez de comprendre comment on peut arriver à éliminer la vengeance de sa vie, après de tels drames. Comme dit Bassam : Pendant longtemps, la justice et la vengeance n’ont fait qu’un en moi.
Ce livre est un pamphlet contre le gouvernement israélien, contre l’occupant. Comme disent Bassam et Rami : Il ne nous reste que l’espoir, nous entretuer n’a pas été très concluant. Bientôt; nous nous battrons pour une terre où nous serons tous enterrés. Comme une poignée d’autres idéalistes des deux pays, ils croient dur comme fer que la paix (qui passe par la sortie des territoires occupés) arrivera un jour dans cette région. Qui aurait pu penser en 1948 qu’il y aurait un ambassadeur Israélien en Allemagne et un diplomate Allemand en Israël ? Vous apprendrez beaucoup de choses aussi. Sur le dernier repas de Mitterrand, sur la migration aviaire, sur l’art, l’histoire, la géographie.
La construction : Apeirogon. Une figure géométrique aux côtés dénombrables mais infinis. En 1001 chapitres, qui ne comportent parfois qu’une phrase, une photo, l’auteur passe d’un sujet à l’autre, où tout se rejoint et tout se sépare. Je l’ai aussi vu comme une explosion en un millier de fragments, avec des bouts a priori sans lien qui se retrouvent éparpillés. Ce livre est une allégorie de l’explosion d’une bombe. Ce livre est une bombe qui changera irrémédiablement votre point de vue sur la situation qui semble aujourd’hui inextricable entre Israël et la Palestine.
Voir aussi l’excellente chronique, beaucoup plus détaillée de @130_livres
En 1946, Boris Pasternak, le grand poète russe rencontre Olga Ivinskaïa, sa dernière muse. Marié par ailleurs, il entretiendra une relation passionnée avec cette femme sublimement belle dont il fera le personnage de Lara dans Docteur Jivago.
Ce roman aura des conséquences internationales et l’auteur devra renoncer au prix Nobel pour l’avoir fait publier à l’étranger. Pour blesser Pasternak dans ce qu’il a de plus cher, Olga sera envoyée par deux fois dans des camps de concentration. La première fois, elle perdra le bébé qu’elle attendait du poète. La deuxième fois, mère et fille partiront toutes les deux, après la mort de Pasternak.
L’autrice raconte cet homme qui a été son presque père, le tragique et l’absurde d’une époque, le romanesque et parfois les convictions de ces poètes qui ont accompagné son enfance et son adolescence. Une petite histoire qui a pris place dans la grande Histoire. Un témoignage unique, truffé d’anecdotes, de lettres sublimes « il faut que je t’écrive à la hâte, ne m’en veux pas, mais pense plutôt à l’infinité de toutes les choses non dites qui restent en dehors de toutes les lettres au monde… » (Ariadna Efron, à Irina pendant son incarcération) et d’extraits de poèmes.
Dans une lettre de Chamalov envoyée à sa mère, poète qui aura passé vingt ans dans des goulags plus sévères les uns que les autres (à l’époque qu’ils nomment tous pudiquement « du culte de la personnalité » ) ce dernier explique à quel point la poésie a permis aux prisonniers de tenir le coup dans les moments les plus difficiles. Un message à ceux qui douteraient encore de l’essentialité de la littérature.