Max est le propriétaire d’un bar restaurant au bord de l’eau, et ses amis ont instauré un rituel pour s’y retrouver le dimanche. Max, le paternaliste est inquiet. Aïcha, sa petite serveuse, si jolie a disparu. Et un mafieux serbe patibulaire considère Max comme responsable de sa disparition. Le monde de Max s’écroule peu à peu, et tous ses amis semblent aussi en danger que lui. Pourtant, tout est tacite et on pressent le malheur comme un corbeau qui effleure l’eau. Un roman noir psychologique dont on tourne les pages pour découvrir ce que chacun cache. Les faux semblants et les secrets finissent toujours par remonter à la surface.
Un corps mutilé est retrouvé dans le lac Léman. L’histoire oscille entre l’Albanie et la Suisse, le choc des cultures, le poids des traditions et une mafia qui utilise les traditions (et notamment la vendetta) comme alibi aux meurtres. J’ai appris des choses sur l’Albanie qu’on connaît mal, tant cette dictature qui a duré quarante ans a isolé le pays au point d’en être presque oublié. J’ai notamment découvert le statut de vierge sous serment, qui est l’un des rares cas d’encadrement légal des concepts de transgenre et de travestissement. J’ai trouvé le style un poil trop pédagogue, après tout, on est dans un polar et on n’est pas obligé de décortiquer les techniques de la police scientifique, mais l’auteur ne risque pas d’être pris en défaut de raconter des balivernes sur les sujets qu’il traite. Et sinon, comme toujours pour les romans policiers, zéro spoil, donc je n’en dirai pas plus.
J’ai une tendresse particulière pour cet ouvrage, je veux parler de l’objet livre. En effet, par un hasard inouï, j’ai réussi à décrocher in extremis une dédicace de ce monstre de la littérature noire américaine, plus connu pour L.A. confidential ou le Dahlia noir. Brown’s requiem est le premier roman de James Ellroy, celui de la genèse de son œuvre majeure. On y suit Brown, ancien flic alcoolique, reconverti en mandaté pour récupérer des voitures de location aux loyers impayés. Brown a aussi une agence de détective minable où les affaires se font rares. Jusqu’au jour où un type antipathique, très gros, malsain et antisémite lui demande d’enquêter sur un juif richissime et mécène de sa sœur violoncelliste. Une enquête alambiquée dans le milieu des caddies de golf va emmener notre détective jusqu’au Mexique où la pègre a parfois un visage bien respectable. Les bases sont posées.
Mo Malo s’éloigne de son personnage phare Qaanaaq, flic mi-danois, mi-groenlandais, mais reste dans son univers de glace pour traiter un sujet malheureusement universel dans toute colonisation : l’enlèvement d’enfants en vue de les rééduquer. Les dictatures en sont friandes (Espagne de Franco, 3ème Reich d’Hitler, dictatures en Argentine et au Chili…) et les pays colonialistes s’en sont aussi donné à cœur joie (Indiens d’Amérique du Nord, Sames et ici, enfants groenlandais).
A chaque fois, l’intention est de couper l’enfant de ses racines, de ses traditions, de sa culture, de sa langue pour lui inculquer les « bonnes » valeurs, manières, culture, langue. Ce qui caractérise les agissements du Danemark, c’est qu’ils sont tardifs (Années 50) pour une démocratie. C’est dire si l’occident s’est cru longtemps supérieur en tout à ces tribus de « sauvages ». Le Danemark s’est officiellement excusé en 2020, soit soixante-dix ans après les faits et les victimes ont été faiblement indemnisées pour le préjudice subi. Le préjudice d’une vie volée et sacrifiée. L’auteur nous sert une histoire de vengeance à sa sauce sur ce thème écœurant, dont je ne vous dévoilerai rien ici mais que je vous invite à découvrir avec la même ferveur que la quadrilogie groenlandaise qui précède.
Les protagonistes de la police des rennes Kemlet et Nina vont devoir enquêter sur la mort d’un loup, tué par balle, alors que c’est une espèce protégée. Les règles qui régissaient ancestralement les troupeaux de rennes ont été compliquées par les lois suédoises qui rendent la pratique de l’élevage encore plus difficile. Les territoires de pâturages, de lieux de naissance des faons, impactés par l’industrie minière amènent les éleveurs à des conflits intestins difficiles à comprendre et parfois inextricables. Seuls les Sames ont droit d’élever des rennes, mais les places dans les Samebyars, ces villages qui n’ont pas de frontières sont chères.
Ce roman est dense, et il essaye vraiment de nous immerger le mieux possible dans cet environnement hostile et très beau à la fois, où les règles s’empilent de façon compliquée pour des gens qui s’accrochent à ce qui disparaît peu à peu. Finalement, la culture Same, qui a su résister aux formes de domination du passé s’étiole peu à peu dans notre monde dans lequel il est de plus en plus difficile d’adapter ce mode de vie. Comme toujours, Olivier Truc ajoute un Candide à son récit, et compare deux modes d’élevage, les brebis en France, les rennes en Laponie avec leurs différences et leurs similitudes. Plongez vous dans le froid du grand nord !
Tant d’amour sauvage, telle est la mystérieuse dédicace que l’auteur m’a écrite. Je vous confirme, qu’il y a dans ce livre beaucoup d’amour, beaucoup de sauvagerie et beaucoup d’amour sauvage. Trente-cinq ans après le coup d’état en Argentine qui a jeté le pays dans les pages les plus sombres de son histoire, l’auteur vient remuer au côté des abuelas (les grands-mères) et les femmes de la place de Mai des histoires sordides de disparus dans les geôles tortionnaires de la dictature. Luz, un travesti protégé de Paula, travesti également, disparaît. Paula essaie de convaincre Jana que cette disparition est inquiétante. De son côté, Ruben, détective miraculé des prisons de la junte, est alerté par son ami journaliste Carlos sur la disparition de Maria Victoria, une fille de bonne famille qui était sur le point de lui faire des révélations. Caryl Férey reprend sa plume exceptionnelle pour nous entraîner dans son sillage à la recherche de ces deux personnes volatilisées et nous raconter ce pan tragique de l’histoire de l’Amérique du Sud.
Vous connaissez ces concours de bûcherons à la télé ? C’est un truc qui me fascine : Des hommes taillés comme des bûcherons (ça tombe bien, c’est leur métier), s’affrontent dans des épreuves où ils doivent couper des troncs énormes dans un temps record, à la hache, à la scie, à la tronçonneuse. J’ai toujours du mal avec le fait de couper des arbres, je suis un peu comme Idefix, le chien d’Obelix, je pleure quand on coupe des arbres pour rien.
Ce roman, c’est complètement ça : On coupe des arbres pour rien. Sauvez des arbres, épargnez-vous cette lecture qui alimente les polémiques sur les maisons d’édition peu scrupuleuses : Histoire indigente, irréaliste (quand on écrit un polar, la moindre des choses est de prendre deux trois renseignements sur le fonctionnement de leur institution : les titres d’inspecteur et de commissaire ont disparu depuis belle lurette), humour douteux voire misogyne, style et écriture lamentables. J’ai peiné pour aller au bout, alors je vous le confirme sans difficulté : il n’y a rien à sauver. Il s’avère que je connais l’auteur. Son objectif était d’écrire un livre, il l’a fait. Ce n’est l’objectif de personne de le lire. Allez, bisous.
Premier volet de la trilogie Benlazar, l’intrigue se situe dans le milieu des années 90, années de guerre civile effroyable en Algérie où la France n’a pas su voir les ramifications d’un conflit qui se déploierait bientôt sur son territoire. Un excellent moyen de se remettre dans un pan de l’histoire proche qu’on connaît trop mal avec des personnages complexes et attachants. L’auteur nous étreint d’angoisse, nous faisant effleurer du doigt ce que la population a enduré, terrorisée et impuissante, prise en tenailles entre la montée d’un intégrisme religieux et des militaires sanguinaires.
Quatrième volet de la série Qaanaq, Summit est la suite de la série policière dont le héros au nom éponyme se débat cette fois avec sa hiérarchie pour maintenir son poste au Groenland. Un séminaire est organisé pour rassembler les policiers travaillant sur des bandes rivales qui sèment la terreur dans tout le nord de l’Europe, une sorte d’Interpol traquant des bikers agressifs. Mais rapidement, la petite virée qui doit renforcer la cohésion des équipes tourne au cauchemar. Évidemment, cet opus est aussi efficace que les trois premiers et on le dévore avec la même facilité qu’un ours polaire devant un phoque.
Dernier opus de la saison Cezam, ce roman noir politique clôt une saison plutôt riche et de bonne qualité. L’auteur imagine ici que le président de la France élu en 2017 est une présidente, que c’est elle qui a dû subir les graves crises de ces dernières années, gilets jaunes, Covid. Une femme plutôt bien, qui a fait ce qu’elle a pu, mais qui a cristallisé toute la rancœur d’un peuple et qui est au plus bas dans les sondages, à un an de la prochaine élection. Suspendus à l’allocution qu’elle a prévu de faire, les prétendants au poste se préparent. Notamment cette « Association », groupe d’hommes de la droite dure qui voudrait profiter de ce tremplin pour prendre le pouvoir. Connaissant les opinions affichées de l’auteur, j’ai été gênée tout au long de l’histoire pour savoir où il cherchait à en venir, exactement. Sous couvert de dénoncer des pratiques dignes d’une République bananière, il semble approuver que la fin justifie les moyens. On tue sans vergogne, des innocents, des ministres, des policiers, et tout finit dans une communauté de doux rêveurs. Je m’interroge donc sur le propos sous-jacent. Je suis perplexe. Pour autant, j’ai bien aimé certaines allusions ou vérités, certaines piques bien senties : Lorsqu’il explique que Lucien a écrit un roman formidable, adulé par la critique, mais qu’il n’en a vendu en réalité que 667. Lorsqu’il fait dire à la Présidente de la République à propos de la pandémie du Covid : Nous ne sommes pas en guerre !