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La lettre – Marc S. Masse (334 pages)

J‘ai une sorte de passion pour Henri IV, cet obsédé sexuel puant l’ail et la sueur. Je ne suis pas royaliste et non, je n’ai pas 320 ans, pas plus que des fantasmes bizarres et odorants. Mais depuis que je suis petite, j’associe ce personnage bon vivant à l’édit de Nantes et au début du droit de culte en France. À la paix. Il n’en fallait pas plus pour que je saute sur cet épisode de l’histoire rocambolesque de notre bon roi, fou d’amour et de désir qui écrivit une lettre malencontreuse dont les conséquences auraient pu mettre en péril le royaume. L’auteur navigue comme souvent entre un fait historique et une fiction entremêlés. L’enquête moderne complète le cheminement de cette lettre et ravive le contexte politique, militaire, économique de ce début du 17eme siècle. Je me suis régalée.

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Camille ou la vraie vie – Brigitte Piedfert (450 pages)

Le Havre, 1868 : C’est l’exposition universelle maritime, un événement qui met la ville en effervescence. Camille, une jeune et jolie orpheline travaille au stand de la bibliothèque que le directeur lui a confié. Elle l’a aménagé avec passion et sérieux, c’est un succès. Elle fait tourner la tête de Witold, un Polonais qui veut s’établir aux Etats-Unis mais aussi celle d’Esteban, un bouvier espagnol qui emporte le cœur de la jeune femme. Comme toujours, l’autrice mêle l’histoire de la Normandie à celle de l’Espagne. Elle signe là son roman le plus romantique, en rendant un bel hommage à Victor Hugo. Elle raconte aussi la condition des femmes au 19ème siècle et les combats qui ont dû être menés pour grappiller des bribes d’égalité. Vous vous laisserez entraîner par le vent romanesque de cette jeune bibliothécaire altruiste.

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Alice marche sur Fabrice – Rosalie Roy-Boucher (170 pages)

Alice a 26 ans. Elle est triste et en colère contre son chum qui l’a quittée pour cette Laure aux gros seins. Alors Alice décide d’aller évacuer sa peine sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle. Elle va sillonner la France du Puy à Saint-Jacques, et son parcours sera semé d’ampoules, de rencontres, plus ou moins agréables, de bonheurs et de désillusions. La marche permet de réfléchir, de s’oublier. Par petites touches, elle décortique sa relation avortée et remue le couteau dans sa plaie qui ne se referme pas. Dans un français québécois à l’accent charmant, même si, parfois, le vocabulaire est vraiment propre au Canada, l’autrice nous fait beaucoup rire avec sa jeune marcheuse. J’ai adoré me promener avec Alice, l’accompagner dans sa souffrance et l’entendre râler contre ce salaud de Fabrice Picard.

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Ma Promise – Emilson Daniel Andriamalala, traduit du Malgache par Johary Ravaloson (208 pages)

Cet auteur malgache, étudié comme un classique à Madagascar est traduit pour la première fois en français. Dans une langue d’une sublime poésie, l’auteur nous livre la guerre d’indépendance de l’île au travers d’une histoire d’amour impossible. Deux jeunes gens animés par une attirance réciproque mais freinés par leurs amours déçues se trouvent pris dans la tourmente de l’insurrection et de la résistance. Contre leur gré mais pour sauver leur peau, ils vont devoir cohabiter comme mari et femme dans la jungle au milieu des rebelles. Jusqu’à la vérité.

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Celui qui vient avec l’orage – Catherine Boissel (450 pages)

Avez-vous déjà entendu parler des code talkers ? ou des Comanche speakers ? Durant la deuxième guerre mondiale, à une époque où Google traduction n’était pas encore disponible, les Etats-Unis ont eu la riche idée d’utiliser des guerriers Comanches pour passer des messages codés. Hormis une toute petite communauté à laquelle accessoirement on avait passé l’enfance et la langue au savon pour en laver le parler « sale », personne ne pouvait comprendre ce que ces hommes se disaient. 17 hommes ont fait partie de cette compagnie très particulière de transmissions, 13 ont débarqué le 6 juin. Leur courage et leur langue unique a contribué au succès des alliés. En partant de ce fait historique, Catherine Boissel nous livre un roman qui mêle secrets de famille, histoires d’amour, trahisons et solidarité de l’amitié où la vérité éclate grâce à celui qui vient avec l’orage. Un page turner au happy end qui met en avant des hommes restés trop longtemps dans l’ombre.

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Charrue tordue – Itamar Veira Junior, traduit du portugais par Jean-Marie Blas de Roblès (340 pages)

Après l’histoire de Mother Naked, je tombe de nouveau sur une histoire de servage qui ressemble à s’y méprendre à de l’esclavage. Comme au 14ème siècle en Angleterre, le Brésil a perpétué ce mode de fonctionnement jusqu’au 20ème siècle. Deux régions, deux époques où le parallèle saute aux yeux. On y rajoute la couche culturelle des croyances locales (le spectre anglais et les enchantés, les esprits brésiliens). J’ai bien aimé l’histoire du destin de ces deux sœurs qui vont se battre chacune avec leurs propres armes pour se libérer de leur joug et se réunir dans un final en apothéose. La scène d’introduction nous plonge dans la vie très âpre de ces deux petites filles à cause d’un évènement dramatique et violent qui sera le fondement de leur parcours futur. Je me suis laissé embarquer dans leur sillage et celui de leur famille au rythme des traditions afro-brésiliennes et de leur pratique religieuse, le Jarê. Une saga romanesque à découvrir dans le cadre du prix Cezam.

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Secret de polichinelle – Yonatan Sagiv, traduit de l’hébreu par Jean-Luc Allouche (469 pages)

Je ne sais pas comment présenter ce roman que j’ai dévoré, hilare. De l’humour juif, mâtiné d’humour gay, un mélange explosif et inédit dans le paysage de la littérature du roman policier.
La femme d’affaires la plus crainte et redoutée du milieu immobilier israélien est retrouvée morte au pied de l’hôpital où elle était soignée. Oder vient de s’improviser détective et il reçoit sa première cliente, la sœur de cette femme puissante et détestée. Il y voit l’aubaine de sa vie pour se refaire après plusieurs tentatives d’entreprises ratées. Vous allez vite vous attacher à cette « folle » qui parle d’elle au féminin, totalement obsédée et misogyne, et dont les répliques sont à mourir de rire.
Ce roman, sorti il y a déjà plus de dix ans est plus profond que le héros veut bien nous laisser croire. Il y dénonce l’homophobie de la société israélienne, le racisme latent, la maltraitance des puissants sur les faibles. Une superbe découverte qui m’a donné envie de me plonger dans les autres ouvrages de cet auteur.

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L’entroubli – Thibault Daelman (286 pages)

Vous trouverez pléthore de retours enthousiastes sur ce roman de la rentrée littéraire. Force est de constater que les éditions du Tripode ont le chic pour dénicher des langues qui sortent de l’ordinaire. Et puis un livre, quoi qu’on en pense, c’est toujours un travail colossal d’écriture et la critique est facile. En ce qui me concerne, je n’ai pas réussi à prendre le train des joyeux pour cette lecture, néanmoins fort sympathique avec mes amis Vleeleurs. J’ai tangué. Voilà l’impression que m’a donné cette écriture qui a été pour moi une épreuve indigeste. Les fans de Yoda y trouveront leur compte avec ces phrases alambiquées qui proposent le verbe à la fin. Sans compter les fautes de grammaire érigées en tolérance littéraire. Quant à l’histoire, je n’ai pas non plus vraiment accroché, dans la mesure où rien ne m’a semblé sonner juste. Ce qui est très étrange, puisque c’est absolument autobiographique. Comme si l’auteur voulait mettre une distance entre son enfance et lui-même. Comme s’il ne racontait pas vraiment son enfance, mais l’image d’une enfance, revue au prisme du roman. Pour autant, je suis allée au bout, et je me suis laissé glisser dans la rigole de ce ruisseau verbal. J’y ai même repéré quelques fulgurances, des phrases qui m’ont interpelée et dont j’ai pensé : ah ! celle-là, elle est bien trouvée ! Mais comme je suis la seule à n’avoir pas apprécié cette lecture, nul doute qu’il fera son chemin et je lui souhaite évidemment un beau succès dans son originalité.

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Chronique de la dérive douce – Dany Laferrière (185 pages)

Je découvre Dany Laferrière, grand romancier d’origine haïtienne par ce petit ouvrage qui raconte son arrivée dans le plus extrême dénuement au Canada où il s’est installé lorsqu’il avait une vingtaine d’années. L’écriture incroyablement poétique en vers libres de ce roman m’a bouleversée. On est décidément plus sensible à certaines écritures qu’à d’autres. Je remercie Monsieur Laferrière de s’être mis à raconter sa vie. Il le fait d’une manière tout à fait délicate.

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Avant la forêt – Julia Colin (376 pages)

Je suis perplexe. Cela fait des mois, des années, qu’on m’explique que je ne serai jamais publiée si je n’éradique pas de mes textes toute trace d’adverbe en « ment ». J’en ai enlevé des kilos sans pour autant obtenir la moindre réponse. Tout le monde s’accorde sur ce point et pour ma part, je trouve que c’est dommage de se priver de mots qui existent dans notre langue. Mais je m’adapte. Dans ce roman, j’ai compté sur certaines pages pas moins de dix adverbes en « ment » et parfois le même à trois lignes d’intervalle. Je n’ai pas trouvé ça particulièrement gênant. Et je m’interroge : M’aurait-on menti sur ces mots à bannir ?

Vous allez objecter qu’on s’en moque, que je ferais mieux de vous parler de l’histoire. Alors, c’est un roman d’anticipation qui mêle un peu de surnaturel. Les personnages sont assez attachants et l’histoire est plutôt captivante. Malgré un style un peu répétitif, c’est un roman pour ados ou jeunes adultes honorable.