Voilà quelques années que je vois régulièrement passer les ouvrages de Mo Malo sur les réseaux, polars polaires qui ont l’air tentants, mais la vie passe, les livres s’accumulent et on met de côté dans nos Pal monstrueuses certains ouvrages dont on sait pourtant que le rendez-vous sera de qualité. L’année dernière, je devais accompagner l’auteur lors de sa visite aux Boréales, festival nordique en région caennaise mais sa visite a été malheureusement annulée.
Son premier opus est revenu sur le dessus de la pile et entre mes mains de façon tout à fait inattendue et fortuite, mais je n’ai pas été déçue. Qaanaaq, flic danois, revient sur la terre qui l’a vu naître pour une enquête sur des meurtres qui ressemblent à des attaques d’ours. Rapidement, son enquête va devenir aussi l’enquête de ses origines. Il y a ce qu’il faut de suspens, d’humour, d’écologie, d’histoire du Groenland et de culture locale pour plaire aux amateurs du genre. J’ai personnellement été totalement embarquée.
Cette nouvelle série s’est donné comme mission de coller au plus près de l’actualité. Après « Cible Sierra » et les coulisses de la manipulation des populations grâce aux réseaux sociaux et une de ses figures de proue infâmes, Steve Bannon, « Sauvez Zelensky » raconte le type de missions que les services secrets français pourraient être amenés à réaliser sur le front d’une guerre brutale. Écrit en un temps record, le roman ne cherche pas à raconter la guerre, mais explique les missions du service action dans un contexte lié à l’actualité. Il y dénonce aussi les pratiques odieuses du groupe de mercenaires Wagner, tristement célèbre. Comme le premier opus, on avale les pages jusqu’à la dernière sans reprendre son souffle et on suit l’équipe de Coralie/Athéna, ces surhommes et femmes qui sont aussi très humains. Mon seul reproche est le titre : car si la famille du chef d’état ukrainien a un rôle important dans l’intrigue, le président lui-même en est quasiment absent de toute l’histoire. On salue la performance de ce roman d’espionnage très bien documenté et très technique !
Un appareil de domotique, une intelligence artificielle bouleverse le quotidien d’une famille lambda. Alfie est cette aide précieuse plutôt sympathique qui fait les courses, vous réveille en douceur, aide les enfants à faire leurs devoirs. Comme il a un module de deep learning (apprentissage profond), ses algorithmes gèrent les évènements et il s’ajuste au fur et à mesure pour fournir un service de plus en plus précis et adapté.
Mais peut -on faire complètement confiance à une machine ? C’est très drôle, car Alfie tâtonne et s’interroge sur l’humanité. C’est aussi glaçant, car le livre aborde des questions essentielles et philosophiques. Quelle est la définition de l’humanité ? Du libre arbitre ? De la liberté ? Il nous rappelle aussi que nous ne sommes pas loin de ce type de situation. En Chine, l’état pousse le curseur très loin avec des caméras partout et des « points » qui donnent ou enlèvent des droits aux citoyens.
Raconté du point de vue de l’intelligence artificielle, truffé d’ « œufs de Pâques », ces références qui sont disséminées dans le récit, ce roman addictif drôle et flippant vous embarquera dans le futur 2.0
Un attentat terroriste sur un site nucléaire français plonge le monde dans le chaos. Un groupuscule de zadistes décide de rester en Bretagne, contre les directives du gouvernement, obligeant les populations à évacuer. Parmi eux, un policier infiltré. Un excellent thriller qu’on espère ne pas être d’anticipation, super documenté et efficacement construit. On adhère complètement à ce scénario catastrophe.
Une femme bourgeoise dans le Cracovie de la fin du 19ème siècle s’ennuie un peu et cherche à s’élever socialement au travers de son mari professeur. Le jour où elle va dans une maison de retraite pour organiser une opération de charité, Les bonnes sœurs sont en émoi car Madame Mohr a disparu. Tout en respectant les convenances, Zofia va enquêter et se passionner pour cette histoire. Ce roman a été écrit par Piotr Tarczynski et Jacek Dehnel, mariés à la scène comme à la ville en hommage à Agatha Christie avec cette Miss Marple polonaise. Un livre drôle et caustique, une femme déterminée et écrasée par les conventions, une enquête dans une société très codifiée et des éléments historiques passionnants. Un cosy crime étonnant qui n’est pas mièvre. Magique.
Dans les Etats-Unis de la fin du 19ème siècle, un garçon dont la mère est morte en couches, survit miraculeusement à la foudre, gardant sur le dos une cicatrice énorme. Il s’imagine que ce destin exceptionnel lui donne un don de déduction pour des enquêtes policières.
L’auteur nous balade dans tout le pays, de New York à San Francisco et nous balade des années 1890 aux années 1960. Ce roman est un tour de passe-passe malin, où la magie et les faux-semblants se font la part belle. Tout, du pseudo à la biographie, en passant par les histoires secondaires est une imposture de génie. Car l’auteur nous balade aussi dans l’histoire et si vous tiquez par moment sur des détails qui vous paraissent étranges, voire incohérents, ne pensez pas qu’il y a erreur, vous aurez la clé à la fin de l’histoire. Ce roman exigeant dans sa construction est hyper original. Ne passez pas à côté !
Un homme est trouvé chez lui la gorge tranchée et un témoin inespéré va permettre de conclure rapidement l’enquête. Mais les apparences sont parfois trompeuses. Un petit polar italien qui se lit d’une traite. L’histoire est assez prévisible, mais les personnages sont vrais, et l’enquête ressemble à ce que l’auteur, ancien procureur italien, a dû connaître dans sa carrière, avec des détails pleins de vérité.
Un polar dans un monde plein de gobelins, de sirènes et autres créatures. Un roman un peu drôle, un peu barré, mais finalement plutôt bien construit. Je déplore pour ma part un peu trop de fantasy dans l’histoire, et donc, une fin un peu ratée, mais c’est évidemment une question de goûts. Trois amis, gais lurons, enquêtent sur la disparition d’une jeune fille. En parallèle, la police enquête sur des sirènes venues s’échouer sur la plage. Rapidement, les deux enquêtes vont converger et nos trois amis vont être fait chevaliers pour avancer dans leurs recherches sans entraves.
Une femme terne et seule rencontre un « drôle de jeune » aux yeux terriblement bleus qui lui dit qu’elle est sa mère. Or elle n’a jamais eu d’enfant. Elle le repousse, mais de plus en plus mollement car elle n’a rien d’autre dans la vie, rien qui la fasse vibrer, rien qui la rattache à la vie. Et puis, il y a ces vieilles dames qu’on assassine, et dont la mise en scène de veillée funèbre fait tourner la police en bourrique. Qui est ce deuxième Thierry Paulin ?
L’autrice ne cache pas beaucoup la dualité de ce jeune homme en quête de reconnaissance et d’amour maternel, rejeté par sa mère. Ce qui est intéressant, c’est son cheminement intellectuel et celui de Madeleine. Très minutieusement écrit, vous serez subjugués par la séduction morbide que ce garçon opère sur vous, comme sur cette femme sans espoir.
C’est tragique, c’est triste, c’est très bien écrit.
En 2019, j’avais vaguement entendu parler du Donbass et de la guerre qui s’y déroulait depuis déjà cinq ans. Cette partie du monde, aux bords de l’Europe, à peine située à 3500 km de chez moi était peu médiatisée. Benoît Vitkine, prix Albert Londres a couvert le conflit depuis le début et son premier roman, « Donbass », utilisait le prétexte d’un roman policier pour expliquer une situation locale complexe. Le hasard du calendrier a voulu que son deuxième roman, « Les loups », sorte juste avant l’agression de l’Ukraine par Poutine. Chacun réagit comme il peut à ce conflit dont à peu près tout le monde s’accorde à dire qu’il est absurde. Les drapeaux bleu et jaune fleurissent sur les frontons des mairies et des maisons, on débaptise à tout va, de manière inconsidérée (En quoi les pauvres Soljenitsyne, Tolstoï, Tchekhov, Les frères Morozov, la vodka ou les chats, dits « chats russes » auraient la moindre responsabilité dans ce qui arrive ?). Pour ma contribution, j’ai lu « les Loups ». Je crois que nous avons une vision du monde manichéenne depuis la deuxième guerre mondiale. On doit être dans un camp, celui des gentils ou celui des méchants, des résistants ou des collabos, aucune nuance n’est tolérée. Peut-être les gens ont-ils eu besoin de cette division du monde lorsque l’horreur a été révélée. Or la vie n’est jamais simple, encore moins simpliste. Benoît Vitkine nous décrit une Ukraine moins angélique que celle qui nous est livrée. Comme toujours, avec un sens rare de la pédagogie, en quelques pages superbement écrites, il nous retrace l’histoire de la construction chaotique de ce pays, au travers d’une fiction réaliste. Avec beaucoup d’humanité, il nous décrit un monde qui s’est écroulé, un autre qui a émergé de ses cendres, où les peuples font comme ils peuvent pour vivre, survivre, tirer leur épingle du jeu et parfois, trouver le moyen de sortir de sa condition pour devenir quelqu’un d’important. Cela implique de savoir saisir des opportunités, des chances, sans compromis mais avec compromissions, sans états d’âme et avec beaucoup de sang-froid, sans lois mais avec des règles. Un roman subtil, au style impeccable, dont l’histoire robuste est finement construite.