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L’intrusive – Claudine Dumont (378 pages)

Camille ne dort plus. Vraiment plus. À peine quelques minutes tous les deux ou trois jours. Son frère et sa belle-sœur pensent que c’est son insomnie qui l’ont poussée à mettre en danger Jeanne, sa nièce. Il faut qu’elle s’en sorte pour revoir Jeanne. Alors elle accepte d’aller voir le frère étrange de Mathilde, sa belle-sœur. Un livre original sur les dégâts de l’enfance maltraitée. Il n’y a pas vraiment de surprise car les souvenirs de Camille ponctuent les chapitres, glaçants. La maltraitance peut prendre différents visages. Les mots font parfois autant de dégâts que les coups.

On se débat en apnée avec Camille en se demandant si elle a une chance de s’en sortir tant ses traumatismes sont profonds. Alors on tourne les pages, pour avoir le fin mot, avec la nausée à chaque chapitre où cette mère si belle, si parfaite apparaît.

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Lëd – Caryl Ferey (524 pages)

Quand on lit Caryl Ferey, on n’est pas loin de perdre foi en l’humanité. Il faut dire qu’il s’attaque à des sujets apocalyptiques. Sur fond de conglomérat sibérien détenu par un oligarque, deux cadavres que rien ne semble relier sont retrouvés, gelés. C’est sans compter sur la ténacité de Boris Ivanov qui va enquêter avec patience et minutie, convaincu que les deux affaires sont liées. L’auteur décrit une Russie catastrophique.

On sait la mégalomanie débridée de son chef d’État et ses méthodes tout droit sorties de sa propre expérience au KGB, la police secrète pire que sous Staline, le passé glorifié, la volonté de suprématie slave, le nationalisme basé sur la force, la virilité exacerbée au détriment des minorités. Le roman nous montre des facettes que j’ignorais , la dolia, le destin, des éléments terrifiants sur la guerre d’Afghanistan (une guerre, c’est toujours effroyable, mais on ne s’attend pas à être maltraité par ses propres compatriotes). Un roman noir, très noir, avec des personnages attachants, très attachants car le romancier sait aussi toujours faire pousser quelques fleurs dans la pollution et le froid, même si ce sont des fleurs de glace. Une intrigue redoutablement efficace assortie d’une recherche très documentée et implacable.

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Nuuk – Mo Malo (424 pages)

Troisième volet des aventures du policier Qaanaaq au Groënland, ce roman est encore plus fort et encore mieux que les deux précédents, pour autant que ce soit possible. J’ai adoré le premier, j’ai adulé le deuxième, je suis amoureuse du troisième volet.

Comme dans les précédents tomes, les quatre piliers qui fondent l’édifice du récit et le structurent sont présents : La culture du pays, l’écologie, la nature indocile associée à ses paysages extraordinaires dans le sens premier du terme et une intrigue policière qui tient la route. Je trouve que cette histoire qui s’appuie complètement sur des aspects culturels du Groënland est particulièrement bien ficelée et nous montre les dérives que les travers de cette culture dévoyée peuvent engendrer.

Qaanaaq va mieux et Qaanaaq va moins bien aussi, cet homme est terriblement humain avec ses doutes, son passif, ses défaillances, ses plaies toujours à vif. Je suis totalement fan.

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Broadway – Fabrice Caro (189 pages)

Tout le monde semble s’accorder sur le fait que ce n’est pas le meilleur roman de Fabrice Caro, mais on aura beau dire, on se gondole tout du long quand même. Au détour de chaque page, on pouffe irrépressiblement.

Convoqué par la direction du collège de son fils qui a fait un dessin scabreux mettant en scène deux de ses professeurs en train de copuler, Axel va flasher sur la jeune enseignante, tandis que ses meilleurs amis ont eu l’idée la plus saugrenue qui soit : Aller faire du paddle en vacances à Biarritz. Englué dans une vie moyenne entre sa femme, ses deux enfants, ses amis, ses voisins, ses collègues de bureau, il imagine tout plaquer pour vivre enfin ses vrais désirs, comme dans une comédie à Broadway.

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Anatomie de l’amant de ma femme – Raphaël Rupert (199 pages)

J’aime beaucoup l’impertinence de la maison d’édition qui a publié ce roman. J’imaginais que le ton de ce roman au titre évocateur (dont le titre originel était : la bite à Léon) serait à la hauteur de l’exigence de l’arbre vengeur. Primé par le prix de Flore, je lorgnais dessus depuis longtemps. C’est complètement barré, dépressif, absurde, chaud et absolument génial.

On explose de rire à tout bout de champ, et lorsque ça vrille de plus en plus, au fur et à mesure des pages, on se demande sur quel terrain glissant l’auteur va finalement nous emmener. Un architecte marié à une écrivaine qui a une petite renommée décide d’arrêter son activité pour écrire un roman à son tour. En tombant par hasard sur le journal intime de sa femme, il découvre quatre lignes qui vont changer sa vie et sa perception des choses.
Un livre original et drôle pour les amoureux de l’humour déjanté, cru, très cru.

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Le vol du boomerang – Laurent Whale (529 pages)

Un jeune homme aborigène veut s’inscrire à la course mythique World Solar Challenge qui part de Darwin au nord de l’Australie et la parcourt du nord au sud jusqu’à Adélaïde, soit 3000 kilomètres avec des véhicules exclusivement électriques.

Sur fond des incendies qui ont ravagé le pays continent en 2019, enchaînant sur la terrible épidémie de Covid, le roman est écrit comme un thriller plein de suspense, avec le style fluide de Laurent Whale qui nous fait tourner les pages sans pouvoir s’arrêter. Deux histoires parallèles viennent enrichir le récit, celle d’une famille qui a dû tout quitter pour fuir les incendies et celle d’un jeune routier qui parcourt le pays de bout en bout dans des camions immenses.

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Felis Silvestris – Anouk Lejczyk (181 pages)

« Et ta sœur ? elle en est où, elle fait quoi ? » La réponse diffère à chaque fois, éludant la réalité. La réalité, c’est que Felis a pris un nom de forêt après s’être retrouvée par hasard avec un groupe qui protège ce bout de terrain d’une Firme qui l’exploite et le détruit.

Entre la vie dans le froid, qui ne fait pas franchement rêver et les réactions du reste de la famille, la sœur de Felis s’interroge et imagine cette vie dans la nature ; le père s’inquiète, la mère se demande ce qu’elle a loupé.

Dans un style pur et délicat, l’autrice nous raconte avec poésie et humour la solitude de chaque membre de cette famille explosée, dont la sœur est aussi décalée, perdue dans cet appartement qui ne lui appartient pas. Un très joli premier roman, sorti il y a un an qui devrait être plus visible.

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Ripley Bogle – Robert Mc Liam Wilson, traduit de l’anglais par Brice Mathieussent (437 pages)

J’ai encore sorti un livre de ma PAL qui y traîne depuis un moment. Cette fois, j’avoue que j’appréhendais un peu de me plonger dans cette lecture, car j’ai tellement aimé « Eureka Street », du même auteur (pour moi, un des vingt meilleurs livres jamais lus) que j’avais peur d’être déçue par ce roman, plus ancien. J’ai vécu une expérience étrange. Il se trouve que j’ai eu l’occasion de rencontrer l’auteur, et que je sais quelques bribes de sa biographie, notamment qu’il a, pendant un temps, expérimenté la vie dans la rue à Londres.Dès les premières lignes, j’avais l’impression que l’auteur me racontait l’histoire en personne. Son histoire.

Et cette histoire de jeune homme, brillant intellectuellement, surdoué même, qui est clochard est très rude. Il décrit avec minutie le froid, la faim, le désœuvrement, la maladie, et surtout la crasse infâme dans laquelle il vit. Pas vraiment une partie de plaisir. Comme feel good, on a fait mieux. En revanche, j’ai retrouvé le style magnifique et inimitable de l’auteur qui s’articule autour de trois axes : Son humour cynique sur la religion et la politique, la beauté poétique de ses paysages (j’ai levé les yeux au ciel, et il a baissé les siens sur moi) et la description minutieuse d’un quotidien banal et affreux, affreusement banal et pas banal du tout. Tout s’enchaîne avec grâce et simplicité dans son écriture, unique.

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Persona – Erik Axl Sund, traduit du suédois par Rémi Cassaigne (477 pages)

J’ai sorti ce livre, le plus ancien dans ma PAL. J’appréhendais un peu de le lire car je m’attendais à un policier très sanglant, très violent, très dur. Et si pour certains, ce genre de lectures leur vide la tête, moi, j’ai besoin d’avoir la tête vide pour les lire.

Et puis, lire l’ouvrage de ce duo suédois explosif qui écrit sous ce pseudo à coups de poing pour se mettre d’accord sur les mots et les phrases, ça ressemblait à une drôle d’expérience. (C’est ce qu’ils racontent, entre deux bières, lorsqu’on leur pose la question).

Tout de suite, pourtant, nous sommes absorbés par le fil de l’histoire.

Oui, c’est dur, oui c’est violent, oui c’est un polar suédois. Viols incestueux d’enfants, enfants soldats du Sierra Leone et personnalités dissociatives en sont les trois piliers. Mais c’est extrêmement bien foutu, bien écrit, bien construit. Entre Sofia, la psy spécialisée dans les traumatismes des enfants (notamment, anciens enfants soldats) et les personnalités dissociatives (dont Victoria Bergman, jeune femme violée enfant par son père) et Jeannette la fliquette investie qui a une histoire de couple compliquée et tous les personnages annexes, on est totalement pris au jeu et on arrive au bout sans avoir vu le temps passer. Très bien documenté par ailleurs, ce roman policier est plus riche qu’on pourrait le penser de prime abord. Un très bon polar, donc.

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Le lecteur de cadavres – Antonio Garrido, traduit de l’espagnol par Alex et Nelly Lhermillier (751 pages)

Inspiré du premier médecin légiste de l’histoire, Song Ci, ce roman retrace la culture chinoise au 13ème siècle au travers d’enquêtes, de leur résolution et de trahisons.

Aujourd’hui, certains préceptes de ce médecin extrêmement novateur sont toujours en pratique. Il a écrit un traité de médecine légale, visant à ordonner les observations et analyses pour apporter aux conclusions une rigueur jamais observée auparavant.

S’appuyant sur des connaissances anatomiques poussées, il a établi les premiers principes de cette discipline. Les histoires s’entremêlent habilement dans ce polar historique très fouillé, et très documenté.