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Comme la grenouille sur son nénuphar – Tom Robbins (454 pages)

Le roman démarre sur un krach boursier et l’auteur s’adresse à la 2ème personne du singulier, ce qui est assez original.

« Ce jour-là, la Bourse tombe de son lit et se brise la colonne vertébrale : c‘est le pire jour de ta vie. Enfin, c‘est ce que tu penses. Ce n‘est pas le pire jour de ta vie, mais tu penses que ça l‘est. Et quand tu exprimes cette pensée, tu le fais avec conviction et sans excès de fioritures rhétoriques.”

Gwen, jeune tradeuse d’origine gallo-philippine coincée est désespérée. Elle a vécu entre des parents artistes, un père musicien qu’elle méprise et une mère poète qu’elle a adorée mais qui s’est suicidée. Elle a toujours voulu se sortir de sa condition et vénère l’argent comme valeur absolue. Pour elle, réussir dans la vie, c’est avoir beaucoup d’argent. Evidemment, le roman va exploser toutes ses certitudes. On pourrait penser que les thèmes abordés sont ceux des feel good, mais c’est écrit d’une façon qui n’est pas du tout un feel good.  Elle va parcourir Seattle un week-end de Pâques à la recherche de son amie Qjo, disparue mystérieusement et de André, le singe de son petit ami qui a fait une fugue, tout en se demandant ce qui va advenir d’elle lorsque les marchés ouvriront à nouveau et comment elle pourrait se sortir de sa situation qui semble terriblement compromise.

Toutes les histoires de cet auteur sont complexes, les personnages, très fouillés, les situations minutieusement approfondies. Ce roman ne fait pas exception et au-delà de son histoire rocambolesque, il distille des vérités sur des sujets aussi variés que la société pour dénoncer la société de consommation, l’écologie, l’économie, l’ésotérisme de la lecture des cartes de tarot, des tribus africaines et leurs connaissances en astronomie, le traitement du cancer du côlon et les dents de Washington.

L’auteur écrit avec une plume très imagée, superbement traduite par François Happe. Les images de l’auteur peuvent être poétiques mais souvent âpres, voire crues, ce qui les rend drôles.

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Tu pourrais me remercier – Maria Stoian (100 pages)

Lors de mon passage à la bibliothèque de mon village, le jour de la journée des droits des femmes, je suis tombée sur cette BD et je me suis dit que ça serait ma contribution du jour. En réalité, ce livre parle d’agressions et d’emprise dans des situations diverses et subies par tous sexes et âges confondus. Une jeune fille de quinze ans tripotée dans le métro, un jeune homme homosexuel violé, un homme harcelé par sa compagne, un autre poursuivi par une érotomane, une jeune femme sous l’emprise d’un homme violent, une jeune femme violée sous GHB. Le viol et l’emprise ne sont pas réservés aux hommes méchants sur des femmes faibles. Ils peuvent prendre des formes différentes et les victimes peuvent aussi être des hommes. Quand on ferme ce livre, on est un peu nauséeux, choqué. Un livre qui fait réfléchir.

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Deux femmes et un jardin – Anne Guglielmetti (95 pages)

Mariette est femme de ménage. Quand elle hérite d’une maison en Normandie, et malgré son dénuement, elle plaque le gris de Paris pour vivre chichement dans cette bâtisse meublée et pleine de souvenirs. Elle va rencontrer une jeune fille et une drôle d’amitié va se nouer en quelques mois et pour quelques mois seulement. D’une écriture plutôt agréable, je suis pourtant passée à côté de ce court roman. Je me suis demandé où l’autrice voulait en venir dans ce livre où il ne se passe pas grand-chose. Par ailleurs, j’ai trouvé que le titre était mal choisi, puisque la deuxième femme est une ado et le jardin ne m’a pas semblé avoir une importance si cruciale. Un roman contemplatif et taiseux, pudique mais qui laisse sur sa faim.

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L’intrusive – Claudine Dumont (378 pages)

Camille ne dort plus. Vraiment plus. À peine quelques minutes tous les deux ou trois jours. Son frère et sa belle-sœur pensent que c’est son insomnie qui l’ont poussée à mettre en danger Jeanne, sa nièce. Il faut qu’elle s’en sorte pour revoir Jeanne. Alors elle accepte d’aller voir le frère étrange de Mathilde, sa belle-sœur. Un livre original sur les dégâts de l’enfance maltraitée. Il n’y a pas vraiment de surprise car les souvenirs de Camille ponctuent les chapitres, glaçants. La maltraitance peut prendre différents visages. Les mots font parfois autant de dégâts que les coups.

On se débat en apnée avec Camille en se demandant si elle a une chance de s’en sortir tant ses traumatismes sont profonds. Alors on tourne les pages, pour avoir le fin mot, avec la nausée à chaque chapitre où cette mère si belle, si parfaite apparaît.

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Lëd – Caryl Ferey (524 pages)

Quand on lit Caryl Ferey, on n’est pas loin de perdre foi en l’humanité. Il faut dire qu’il s’attaque à des sujets apocalyptiques. Sur fond de conglomérat sibérien détenu par un oligarque, deux cadavres que rien ne semble relier sont retrouvés, gelés. C’est sans compter sur la ténacité de Boris Ivanov qui va enquêter avec patience et minutie, convaincu que les deux affaires sont liées. L’auteur décrit une Russie catastrophique.

On sait la mégalomanie débridée de son chef d’État et ses méthodes tout droit sorties de sa propre expérience au KGB, la police secrète pire que sous Staline, le passé glorifié, la volonté de suprématie slave, le nationalisme basé sur la force, la virilité exacerbée au détriment des minorités. Le roman nous montre des facettes que j’ignorais , la dolia, le destin, des éléments terrifiants sur la guerre d’Afghanistan (une guerre, c’est toujours effroyable, mais on ne s’attend pas à être maltraité par ses propres compatriotes). Un roman noir, très noir, avec des personnages attachants, très attachants car le romancier sait aussi toujours faire pousser quelques fleurs dans la pollution et le froid, même si ce sont des fleurs de glace. Une intrigue redoutablement efficace assortie d’une recherche très documentée et implacable.

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Dans la tête de Sherlock Holmes T2 – Cyril Liéron et Benoît Dahan (50 pages)

J’ai enfin eu la fin de l’histoire. On y (re)découvre un pan peu reluisant de l’histoire de l’Angleterre qui a maintenu la Chine sous emprise grâce à l’opium. Intéressant et toujours animé de petites astuces visuelles, j’ai néanmoins trouvé ce tome un peu plus dispersé et brouillon que le précédent, bien qu’indispensable pour connaître les tenants et les aboutissants de cette fameuse affaire du ticket scandaleux.

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Nuuk – Mo Malo (424 pages)

Troisième volet des aventures du policier Qaanaaq au Groënland, ce roman est encore plus fort et encore mieux que les deux précédents, pour autant que ce soit possible. J’ai adoré le premier, j’ai adulé le deuxième, je suis amoureuse du troisième volet.

Comme dans les précédents tomes, les quatre piliers qui fondent l’édifice du récit et le structurent sont présents : La culture du pays, l’écologie, la nature indocile associée à ses paysages extraordinaires dans le sens premier du terme et une intrigue policière qui tient la route. Je trouve que cette histoire qui s’appuie complètement sur des aspects culturels du Groënland est particulièrement bien ficelée et nous montre les dérives que les travers de cette culture dévoyée peuvent engendrer.

Qaanaaq va mieux et Qaanaaq va moins bien aussi, cet homme est terriblement humain avec ses doutes, son passif, ses défaillances, ses plaies toujours à vif. Je suis totalement fan.

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Western Spaghetti – Sandra- Ànanda Fleury (272 pages)

Encore une maison d’édition dont je voulais lire les ouvrages sans avoir eu l’occasion de le faire. Je les découvre enfin par le biais de ce recueil de nouvelles aux histoires très différentes les unes des autres.

Entre la famille indigente qui tâche de cacher ses problèmes d’argent et le vieux monsieur qui devient ami avec un agent immobilier bien décidé à lui faire vendre son appartement, on s’envole pour Montréal avec Mohammed, un jeune français qui veut aller à New York, mais reste coincé au Canada après les attentas du 11 septembre 2001, et cette danseuse qui revient dans cette ville et sur sa jeunesse. On passe aussi par les Etats-Unis avec cette fratrie pauvre mais soudée.

Remarquablement écrit, avec des trouvailles stylistiques très intéressantes, jolies et expressives qui mélangent les sens (les goûts sont en couleur et les couleurs sont sonores, tandis que les sensations ont du goût…) on s’attache aux personnages qui sont si vivants qu’ils constituent à mon sens la trame et le fil conducteur de cet ouvrage. Une très très belle découverte et un livre passé trop inaperçu au regard de sa qualité.

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Broadway – Fabrice Caro (189 pages)

Tout le monde semble s’accorder sur le fait que ce n’est pas le meilleur roman de Fabrice Caro, mais on aura beau dire, on se gondole tout du long quand même. Au détour de chaque page, on pouffe irrépressiblement.

Convoqué par la direction du collège de son fils qui a fait un dessin scabreux mettant en scène deux de ses professeurs en train de copuler, Axel va flasher sur la jeune enseignante, tandis que ses meilleurs amis ont eu l’idée la plus saugrenue qui soit : Aller faire du paddle en vacances à Biarritz. Englué dans une vie moyenne entre sa femme, ses deux enfants, ses amis, ses voisins, ses collègues de bureau, il imagine tout plaquer pour vivre enfin ses vrais désirs, comme dans une comédie à Broadway.

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Anatomie de l’amant de ma femme – Raphaël Rupert (199 pages)

J’aime beaucoup l’impertinence de la maison d’édition qui a publié ce roman. J’imaginais que le ton de ce roman au titre évocateur (dont le titre originel était : la bite à Léon) serait à la hauteur de l’exigence de l’arbre vengeur. Primé par le prix de Flore, je lorgnais dessus depuis longtemps. C’est complètement barré, dépressif, absurde, chaud et absolument génial.

On explose de rire à tout bout de champ, et lorsque ça vrille de plus en plus, au fur et à mesure des pages, on se demande sur quel terrain glissant l’auteur va finalement nous emmener. Un architecte marié à une écrivaine qui a une petite renommée décide d’arrêter son activité pour écrire un roman à son tour. En tombant par hasard sur le journal intime de sa femme, il découvre quatre lignes qui vont changer sa vie et sa perception des choses.
Un livre original et drôle pour les amoureux de l’humour déjanté, cru, très cru.