Galerie

Légendes de la rue Potapov – Irina Emélianova traduit du russe par Gérard Abensour (392 pages)

En 1946, Boris Pasternak, le grand poète russe rencontre Olga Ivinskaïa, sa dernière muse. Marié par ailleurs, il entretiendra une relation passionnée avec cette femme sublimement belle dont il fera le personnage de Lara dans Docteur Jivago.

Ce roman aura des conséquences internationales et l’auteur devra renoncer au prix Nobel pour l’avoir fait publier à l’étranger.
Pour blesser Pasternak dans ce qu’il a de plus cher, Olga sera envoyée par deux fois dans des camps de concentration. La première fois, elle perdra le bébé qu’elle attendait du poète. La deuxième fois, mère et fille partiront toutes les deux, après la mort de Pasternak.

L’autrice raconte cet homme qui a été son presque père, le tragique et l’absurde d’une époque, le romanesque et parfois les convictions de ces poètes qui ont accompagné son enfance et son adolescence. Une petite histoire qui a pris place dans la grande Histoire. Un témoignage unique, truffé d’anecdotes, de lettres sublimes « il faut que je t’écrive à la hâte, ne m’en veux pas, mais pense plutôt à l’infinité de toutes les choses non dites qui restent en dehors de toutes les lettres au monde… » (Ariadna Efron, à Irina pendant son incarcération) et d’extraits de poèmes.

Dans une lettre de Chamalov envoyée à sa mère, poète qui aura passé vingt ans dans des goulags plus sévères les uns que les autres (à l’époque qu’ils nomment tous pudiquement « du culte de la personnalité » ) ce dernier explique à quel point la poésie a permis aux prisonniers de tenir le coup dans les moments les plus difficiles. Un message à ceux qui douteraient encore de l’essentialité de la littérature.

Galerie

Suprême Soviète – Olga Schmitt (160 pages)

Olga est né en 1965 en URSS. L’Occident y est absolument diabolisé. Sa mère est une actrice sublime et reconnue, son père un metteur en scène célèbre. Quand son père quitte sa mère, son nouvel amoureux est un peintre qui n’a pas les faveurs du parti, mais qui est connu au-delà des frontières. Sa grand-mère, une femme immense, aviatrice, héroïne de la deuxième guerre mondiale l’a élevée avec Alla, une sorte de tante.

Ce livre n’est pas un roman, il raconte les vraies anecdotes de la vie d’Olga, l’âme slave, le tragique et le comique mêlés, l’absurdité d’un système où on se sent bien lorsqu’on n’a connu que ça et que c’est chez soi. La vie de cette femme est incroyablement romanesque, un romanesque à la Russe, où chaque personnage est un roman à lui tout seul. La fin est un drame, mais c’est aussi une seconde naissance.

Sans déflorer davantage son histoire, comme moi, vous lirez les premières pages, et puis vous arriverez au bout sans avoir pu le lâcher. Vous rirez et vous pleurerez dans des torrents de larmes et des flots de vodka. 

Ne laissez pas passer ce livre qui sort aujourd’hui, 5 novembre 2020. Les livres des confinements sont des livres qui seront sacrifiés si on ne leur donne pas une chance. Celui-ci ne mérite pas d’exil.

HS7244 – Lorraine Letournel Laloue (285 pages)

On a tous entendu parler de ce scandale en Tchétchénie où on a identifié des camps de concentration, avec un fonctionnement semblable à ceux de toutes les dictatures, des camps d’Hitler en passant par les goulags sibériens de Staline et ceux de Pol Pot et tous leurs compagnons de folie. Le président tchétchène ne déroge pas à la règle : “Il n’y a pas d’homosexuels en Tchétchénie, notre race est pure, nous n’avons donc pas besoin de les traquer”. 

En s’inspirant de cette horreur qui continue, et dont seules quelques associations se préoccupent en sauvant par l’exil quelques malheureux persécutés, en danger de mort parfois au sein même de leur famille, Lorraine Letournel Laloue nous livre l’histoire d’amour poignante, terrible et désespérée de Marius, parti avec sa moitié en voyage en Russie et qui se retrouve blessé un matin après une soirée dans un bar tchétchène dans une cellule froide et puante. Mais que fait-il là? Et pourquoi l’accuse-t-on d’être un terroriste? Et où est Camille, sa moitié?

J’ai eu la gorge serrée pendant toute la lecture du livre, en pensant à tous les couples d’amis homos que je connais, et qui ne demandent rien d’autre à la vie que de partager la leur avec celui qu’ils aiment. Jamais en France le mariage pour tous n’a autant soulevé des foules indignées qui ne seront jamais concernées par le sujet. Mais qu’est-ce que ça leur enlève à tous ces gens que des personnes qu’ils ne connaissent pas s’aiment et se marient si ça leur chante? Un thriller poignant.