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11% – Maren Uthaug traduit du Danois par Marina Heide (378 pages)

Dystopie ? Uchronie ? Maren Uthaug imagine un monde matriarcal où les êtres de sexe masculin sont confinés dans des centres de détention et réduits à la portion congrue de 11% d’individus. Uniquement utilisés à des fins de plaisir ou de reproduction, ils sont considérés comme des animaux sauvages et dangereux qu’on ne peut laisser en liberté. Sachant que 97% des viols et 95% des meurtres sont le fait d’hommes, on peut légitimement considérer que supprimer les hommes revient à supprimer la violence. Plusieurs siècles se sont écoulés et les femmes n’ont plus vraiment la notion des conséquences de la testostérone sur le monde. Dans ce monde qui semble parfait, quatre femmes s’arrangent néanmoins avec la réalité pour cacher au reste du monde leurs profondes aspirations, leurs failles, leurs espoirs secrets. Franchement, ce monde ne fait pas tant rêver que ça, mais le livre est une nouvelle délectation, avec l’imagination débordante de l’autrice qui se moque encore une fois des codes.

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La femme paradis – Pierre Chavagné (144 pages)


La femme paradis est une femme qui est revenue à l’état sauvage, après ce qu’on peut imaginer avoir été une sorte de guerre civile. Décidément, cette année, la sélection du prix Cezam s’intéresse aux femmes dans des futurs proches aux allures de dystopies post-apocalyptiques. Dans tous ces romans, l’Apocalypse prend une forme de violence très réaliste, comme ici dans ce très court récit. Ma copine de lecture a adoré ce personnage revenu à la vie sauvage ainsi que l’écriture à l’os. Pour ma part, j’ai peut-être besoin d’un peu de douceur dans cette période où on sent les bases de notre démocratie se troubler. Cette femme a perdu toute humanité. Cela m’a fait peur, cette perte d’espoir.

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Les clés du couloir – Fanny Saintenoy (157 pages)

Dans un futur proche dictatorial, l’homosexualité, l’athéisme, l’amour hors mariage, les mariages mixtes et la littérature déviante sont interdits. On doit être fervent catholique, marié, les femmes doivent être au foyer pour faire des enfants. La femme qui croupit dans cette prison sait qu’elle a attendu trop longtemps avant de s’enfuir ou de rejoindre la résistance. Traductrice et écrivaine, athée, ayant eu des enfants avec un Indien, elle cochait toutes les cases de la décadence.

Elle n’a droit de parler à personne, même pas à elle-même, pourtant, elle arrive à trouver une faille dans ce système carcéral bien huilé. Elle va réussir à entamer une correspondance à sens unique avec un détenu masculin qu’elle a aperçu lors de la promenade. Un petit livre condensé qui dit tout en peu de pages, un bel hommage à nos grands chanteurs à textes Brel, Barbara, Higelin, Ferré. Joli petit livre plein d’espoir.

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L’enfant rivière – Isabelle Amonou (310 pages)

Dans un futur proche inquiétant et réaliste, un couple séparé depuis la disparition de leur fils, se retrouve suite aux funérailles du père de Tom. Exilé en France, c’est la première fois qu’il revient au Canada. Zoé est convaincue que leur enfant est toujours vivant. Elle pense même l’avoir retrouvé. Une belle écriture pour ce monde chaotique et une histoire bien menée. Un beau roman. Une description juste de la dérive de notre planète d’un point de vue écologique et politique. Un futur peu réjouissant mais possible. C’est très réussi.

 

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La lame – Frédéric Mars (507 pages)

La lame, c’est celle d’un couteau, c’est celle de fond qui submerge un quartier très pauvre du Nigeria. De Lagos à Marseille, de New York à Paris, plusieurs histoires s’entremêlent dans ce thriller d’anticipation géopolitique. Basé sur des faits (dérèglement climatique, migration climatique), l’auteur nous livre un roman très dur sur le milieu de la prostitution dans les quartiers nord de Marseille et la plus terrible misère humaine. Lorsque les flics vont chercher le corps de cette pauvre prostituée massacrée, ils n’imaginent pas jusqu’où cette abomination les conduira. Malgré un récit très âpre, l’écriture de Frédéric Mars et la structure du roman vous feront tourner les pages sans vous arrêter.

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Alfie – Christopher Bouix (440 pages)

Un appareil de domotique, une intelligence artificielle bouleverse le quotidien d’une famille lambda.
Alfie est cette aide précieuse plutôt sympathique qui fait les courses, vous réveille en douceur, aide les enfants à faire leurs devoirs. Comme il a un module de deep learning (apprentissage profond), ses algorithmes gèrent les évènements et il s’ajuste au fur et à mesure pour fournir un service de plus en plus précis et adapté.

Mais peut -on faire complètement confiance à une machine ? C’est très drôle, car Alfie tâtonne et s’interroge sur l’humanité. C’est aussi glaçant, car le livre aborde des questions essentielles et philosophiques. Quelle est la définition de l’humanité ? Du libre arbitre ? De la liberté ? Il nous rappelle aussi que nous ne sommes pas loin de ce type de situation. En Chine, l’état pousse le curseur très loin avec des caméras partout et des « points » qui donnent ou enlèvent des droits aux citoyens.

Raconté du point de vue de l’intelligence artificielle, truffé d’ « œufs de Pâques », ces références qui sont disséminées dans le récit, ce roman addictif drôle et flippant vous embarquera dans le futur 2.0

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La pierre jaune – Geoffrey Le Guilcher (431 pages)

Un attentat terroriste sur un site nucléaire français plonge le monde dans le chaos. Un groupuscule de zadistes décide de rester en Bretagne, contre les directives du gouvernement, obligeant les populations à évacuer. Parmi eux, un policier infiltré. Un excellent thriller qu’on espère ne pas être d’anticipation, super documenté et efficacement construit. On adhère complètement à ce scénario catastrophe.

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Civilizations – Laurent Binet (378 pages)

Voilà un livre que je voulais lire depuis longtemps. J’avais été fascinée par « la septième fonction du langage » du même auteur. Civilizations est aussi exigeant que le précédent, peut-être même plus. Comme toujours, Laurent Binet mélange des faits réels de l’Histoire avec une fiction crédible mais totalement farfelue. Ici, il imagine que Christophe Colomb est mort comme un chien en voulant atteindre les Indes en passant par l’ouest (et donc démontrer la rondeur de la terre par la même occasion, désolée pour mes lecteurs platistes). Quarante ans plus tard, tout le monde a oublié la drôle d’idée de ce génois, et ce sont les Incas qui débarquent à Lisbonne, le lendemain du terrible tsunami qui détruit la ville. De là, ils vont peu à peu envahir l’Espagne de Charles Quint, puis son royaume entier. Le livre comporte trois parties : la première raconte le premier débarquement des vikings en Amérique, leur installation ; la deuxième, le débarquement et l’invasion Inca ; la troisième raconte le road trip du peintre El Greco en compagnie de Cervantès qui les mènera jusque chez Montaigne.
Un livre riche et foisonnant que j’ai par ailleurs trouvé un peu foutraque. Et puis il faut quand même bien connaître l’histoire des 16ème et 17ème siècles pour saisir toute la saveur humoristique du roman et pour l’apprécier pleinement. Les amateurs d’histoire se régaleront assurément. Pour ma part, j’ai parfois l’impression d’avoir loupé des nuances importantes, ce qui me laisse un arrière-goût d’inachevé. Je crois qu’il faut se laisser embarquer, sans chercher trop à démêler le vrai du faux.

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L’Odyssée de l’espèce – Bruno Charlaix (317 pages)

Quatre nouvelles décrivent l’humanité du début à la fin. Oui, la fin, car l’auteur l’imagine. J’ai trouvé dommage qu’il n’y ait pas de fil conducteur entre les histoires mais c’est bien écrit et on aborde les problématiques actuelles de l’humanité. Les histoires sont toutes abordées sous l’angle du progrès, ce qu’il représentait à différentes époques de l’évolution humaine. Si on sait que la planète est en danger, il suffirait de bien peu pour faire écrouler notre fragile équilibre. Une sorte de préambule au livre de Jean Hegland « la forêt »

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Le sanctuaire – Laurine Roux (148 pages)

Le sujet de ce livre pourrait laisser penser qu’il est issu de la crise épidémique qui secoue le monde actuel. Pourtant, toute ressemblance…

Une famille, isolée dans la forêt après une épidémie de grippe aviaire qui a décimé l’humanité, survit de chasse, de cultures et de haine des oiseaux. Tous les oiseaux qui s’aventurent trop près d’eux doivent être tués et brûlés.

La mère, Alexandra, raconte le temps passé, elle fait revivre la grâce d’un monde perdu. June, la fille aînée, a connu ce monde, elle en a des souvenirs, mais Gemma est une vraie sauvageonne, une Diane chasseresse qui n’a peur de rien. Le père part en expédition et ramène de quoi tenir le coup dans le sanctuaire.

Mais un jour, Gemma rencontre un homme qui vit parmi les oiseaux. Le doute s’immisce alors. Et si tout ce qu’elle croyait depuis le début de sa vie n’était qu’un mensonge ? Le style de Laurine Roux, délicat et poétique, nous berce dans son univers post-apocalyptique. 3ème lauréate du prix  Vleel, ce court roman est à découvrir.