D’après une histoire vraie- Delphine de Vigan (480 pages)

Je dois avouer que je n’aime pas tellement les livres de Delphine de Vigan. Il manque toujours ce petit quelque chose qui me ferait dire que c’est un excellent livre. Et ça m’ennuie pour plusieurs raisons : d’abord, je trouve qu’elle écrit très bien, son style fluide et rond nous emporte. Ensuite, elle a l’air sympathique et je n’aime pas critiquer les gens qui ont l’air sympa. Mais de No et moi aux heures souterraines et même rien ne s’oppose à la nuit, livre autobiographique, ne m’ont transportée. J’ai donc mis deux ans avant d’ entamer celui-ci . Compte tenu de la couverture, j’ai pensé que c’était une sorte de suite à son livre précédent. Je mettais mon manque d’intérêt à ses livres sur le compte de sa jeunesse. Est-ce la photo de sa mère, si belle, sur la couverture de rien ne s’oppose à la nuit, ou ses photomatons sur celui-ci ? Au bout de quelques pages, j’ai dû me rendre à l’évidence : ses enfants ayant sensiblement l’âge des miens, elle avait vraisemblablement à peu près mon âge. Je suis donc allée vérifier. Du coup, l’histoire du livre non abouti pour cause de jeunesse ne tenait pas.

Dès le début, on sait que l’histoire va être terrible. Dès le début, on a envie de protéger Delphine, on sait qu’elle est fragile, avec ce qu’elle a vécu dans son enfance, et plus encore depuis qu’elle a écrit sur sa mère. On a envie de lui dire que nous aussi on a flashé sur Ivan Lendl dans les années 80. Est-ce que toutes les ados pas très bien dans leur peau ont imaginé que ce type était accessible ? Moi qui jouais du piano à assez haut niveau et qui avais interdiction de toucher à une raquette de tennis, je suivais Roland Garros avec assiduité. On a envie d’être cette amie avec laquelle on aurait beaucoup d’affinités, mais en mieux, pas psychopathe. Du coup, à un moment, on se sent un peu L. Voyeur, intrusif on veut en savoir plus.

C’est vrai ou pas cette histoire ? Le roman se lit à plusieurs niveaux: le vrai le faux, la relation amicale, l’emprise mentale. Quand je suis allée me renseigner sur l’auteur sur internet, j’ai regardé ses photos. Il y a un passage dans le livre où elle explique que les photos sur internet, souvent retouchées ne lui ressemblent pas. On reste scotché du début à la fin, complètement absorbé par : c’est vrai ou c’est pas vrai ? Alors que tout le roman tourne autour de cette question. Doit-on écrire de la fiction ou des histoires vraies? Est-ce que le lecteur a besoin de cette vérité ? Bref, merci Cécile Mercier Adeline, de me l’avoir offert, en fait, il est génial ce bouquin, j’ai adoré.

La disparition de Josef Mengele – Olivier Guez (233 pages)

Bon, une fois n’est pas coutume, je vous livre un ouvrage un peu plus récent. Le prix Renaudot de cette année a été attribué à Olivier Guez pour « la disparition de Josef Mengele ». Ce roman s’appuie sur des faits bien réels puisqu’il s’agit de la vie de Mengele après sa fuite en Argentine, puis au Paraguay, et qui se termine, en 1979 au Brésil. Pendant tout ce temps, l’ange de la mort a échappé à toutes les instances internationales qui l’ont cherché, parfois avec beaucoup de véhémence et d’assiduité, parfois moins.

Ce qui est morbidement fascinant dans ce livre, c’est le déploiement colossal de fortunes et de réseaux pour éviter à ce nazi acharné de faire face à son histoire et à son destin. On se doute bien que le nazisme n’a pas disparu sitôt Hitler suicidé. On constate d’ailleurs un peu partout en Europe des relents de nationalismes et les extrême droites qui remontent dans les scrutins. Toutes les questions qui sont soulevées autour de l’histoire de ce médecin malfaisant sont aussi fascinantes : pourquoi d’autres médecins de camps n’ont pas été inquiétés après la guerre, pourquoi les industries qui se sont enrichies sur le dos des expériences réalisées n’ont pas eu à répondre de leurs actes?

C’est très intéressant, on peut peut-être juste regretter qu’en plus de la bibliographie foisonnante dont il s’est inspiré, l’auteur n’ait pas mentionné quelle est la part inventée de son récit, car il restera toujours une zone d’ombre. Personnellement, c’est le fond qui m’a totalement absorbée. Le style est plutôt plat, même si ça se lit très vite. Mais le fond se suffit à lui-même et c’est tellement passionnant que le livre vaut d’être lu.