Pyongyang 1071 – Jacky Schwartzmann (185 pages)

Paulsen, éditeur spécialisé dans les voyages et le sport a eu l’idée saugrenue d’envoyer des écrivains réaliser des épreuves sportives un peu extrêmes dans des situations inhabituelles.

Ainsi a vu le jour le périple de Jacky Schwartzmann en Corée du Nord pour y effectuer un Marathon.

Jacky Schwartzmann a un don particulier : celui de vous donner l’impression d’être avec lui pendant qu’il vit son épreuve, son entraînement, son voyage. On a envie d’être pote avec lui, parce qu’on se reconnaît dans ses réactions, et qu’on se dit qu’on se serait marré avec lui, qu’on aurait eu peur en même temps, qu’on aurait souffert de la même manière. Avec l’humour qui le caractérise, et qu’on retrouve dans ses autres romans, on le suit dans cette épopée Nord Coréenne en se disant, comme lui, qu’on n’y retournera jamais. Dépaysant.

Le coffre – Jacky Schwartzmann / Lucian-Dragos Bogdan (153 pages)

A l’instar de Pension Complète que Jacky Schwartzmann a écrit tout seul, ce roman noir est un roman noir et drôle. Un cadavre retrouvé dans un coffre de toit de voiture, une enquête que se partagent deux flics : un Roumain, un Français, un choc culturel. Deux auteurs, un Roumain, un Français, qui ont eu les mêmes difficultés de communication que leurs flics respectifs. Une enquête urgente, un livre urgent, une commande pour quais du polar, 4 mois pour sortir un bouquin entre deux auteurs qui ne se connaissent pas, trois mois avant la retraite du gendarme français. 

Exercice littéraire réussi, deux auteurs bien choisis pour le réaliser. La conversation téléphonique entre les deux représentants de l’ordre est à mourir de rire. On apprend plein de choses sur l’histoire de la Roumanie, sur ses chocs culturels internes (La Moldavie / La Transylvanie). Les clichés sont abordés de part et d’autre et font la saveur de ce petit roman bien marrant.

Donbass – Benoît Vitkine (282 pages)

Benoît Vitkine a couvert depuis 2014 le conflit Ukrainien pour le Monde. Il a obtenu le prestigieux prix Albert Londres pour ses articles. Sa plume est très belle, son analyse est fine, c’est mérité. Dans ce roman policier, il nous interpelle sur une mort particulière (un assassinat) dans un monde où la mort est quotidienne (la guerre). En Europe, on se moque de ce conflit, qui est pourtant à nos portes. Le Donbass, c’est cette région à l’est de l’Ukraine  déchirée entre une Ukraine ayant des visées sur l’Europe, et une Russie qui a soutenu les séparatistes.

Il nous en explique les grandes lignes au travers des populations qui vivent sur la ligne de front. Il explique la misère, l’alcool, les usines de coke, les gens qui restent, les aéroports, les gares et les routes coupés. Il raconte l’absurdité des conflits, des clans qui sont flous, des gens qui ont choisi un camp, mais qui ont besoin de manger, et qui s’adaptent, des trafics qui poussent sur le terreau du chaos. Il place l’histoire dans un moment du conflit où tout est à peu près statique : les deux camps se tirent l’un sur l’autre, mais évitent les victimes. Les gens s’habituent aux explosions permanentes, l’homme s’habitue à tout. Il parle des traumatismes de la guerre d’Afghanistan, toujours pas vraiment digérés.

Bref, on apprend beaucoup de choses, les personnages sont troublés et troubles, le suspense, pour couronner le tout, est parfaitement maîtrisé. Rien à jeter là-dedans, la petite histoire dans la grande Histoire, le style. Quand on a en plus la chance d’avoir rencontré l’homme, à l’écoute de tous, qui connaît son sujet sur le bout des doigts, on n’est pas étonné qu’il en ait sorti un livre aussi passionnant.

L’empathie – Antoine Renand (447 pages)

Le dernier roman de la sélection Bloody Fleury 2020 est indéniablement le plus noir. Une vraie enquête policière avec un vrai méchant et un vrai duo de flics, un homme, une femme, mais assez différents de ce qu’on peut voir en général.

C’est assez dur, mais on le lit d’une traite, pour les amateurs du genre, c’est vraiment un très bon bouquin. Pour un essai, c’est transformé! Un très bon premier roman, assez violent.

Les saisons inversées – Renaud S. Lyautey (247 pages)

Décidément, je suis très enthousiaste sur les livres du prix des lecteurs du festival de Bloody Fleury qui se tiendra pour la cinquième fois du 31 janvier au 2 février 2020 à Fleury sur Orne dans le Calvados.

Ce roman d’espionnage ne met pas en scène de supers héros. Juste des êtres humains qui font leur boulot, qui ont des amitiés ou des inimitiés dans les couloirs feutrés des hautes sphères diplomatiques. Jusqu’à loin dans le livre, l’enquête piétine, pourquoi diable ce haut fonctionnaire que tout le monde aimait, ou au moins respectait s’est-il fait sauvagement assassiner chez lui? Et où était-il donc les jours qui ont précédé sa mort?

Turpin est un vieux de la vieille, il sait à peine lire ses mails. Mais il va mener une enquête consciencieuse et minutieuse. Intriguant.

Le cercle de Caïn – Sophia Raymond (348 pages)

Vous connaissez Ötzi, la momie des glaces? Sophia Raymond s’en inspire pour nous entraîner dans une histoire de malédiction, comme celle qui a entouré la découverte des tombeaux en Egypte. Clara, journaliste douée mise au placard suite à une sombre affaire se lance dans l’enquête. Cartésienne, elle a du mal à imaginer qu’il s’agit d’une malédiction. Et pourtant, tout laisse à le penser. La momie se vengerait-elle d’avoir été dérangée dans son sommeil éternel?

Je suis fascinée par la vraie histoire de cette momie retrouvée fortuitement avec des éléments totalement nouveaux sur les hommes préhistoriques; Présence de tatouages, vêtements, outils, état de santé, nourriture. On pensait avoir à faire à des sauvages, on s’aperçoit qu’ils avaient des notions de médecine, et que, comme nous, ils pouvaient vivre assez longtemps, y compris avec des problèmes de santé, comme les calculs biliaires ou l’arthrose. Car Ötzi n’est pas mort autour de quarante-cinq ans de ses problèmes de santé, mais il a été assassiné! 

Alors, Y a-t-il malédiction, ou bien un coupable se cache parmi les derniers survivants de la découverte? Frissonnant.

Requiem pour une république – Thomas Cantaloube (538 pages)

Troisième opus de la sélection Bloody Fleury, ce premier roman est pour moi une vraie réussite. Dans le contexte troublé de l’après-guerre et des guerres de décolonisation, en l’occurrence, ici, l’Algérie, Thomas Cantaloube nous emmène dans une histoire où les gentils ne sont pas vraiment gentils et les méchants pas si méchants que ça.

Un roman noir autour de trois personnages essentiel, Luc le flic, Antoine le truand, et Sirius le mercenaire. Une famille est assassinée. Les autorités orientent les enquêteurs vers un règlement de compte du FLN. Deux personnes, un flic et un truand, vont enquêter de leur côté pour découvrir la vérité.

Tout est articulé autour de la période qui a vu nos héros de la deuxième guerre mondiale s’acoquiner avec qui ils pouvaient pour avoir le pouvoir, des salauds qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu, la manipulation de l’information par les médias et le gouvernement au nom de la raison d’Etat. Brutal et sans complaisance.

Pension complète – Jacky Schwartzmann (184 pages)

Dino est issu d’une banlieue pauvre de Lyon, mais il vit depuis vingt ans au Luxembourg avec Lucienne, multimilliardaire de trente-deux ans son aînée. Il n’est pas gigolo, Dino, parce qu’il l’aime vraiment, Lucienne. Pourtant, à un moment, elle lui demande de prendre le large et d’aller un moment à Saint-Tropez. Et là, tout dérape.

Dans ce polar déjanté, deuxième de la sélection du prix des lecteurs de Bloody Fleury 2020, on rit beaucoup. A l’instar de l’excellent Mamie Luger, de Benoît Philippon, le style sert énormément le livre. Comme c’est assez court, je ne veux pas déflorer plus, mais foncez pour une vraie tranche de rigolade. ça pourrait sembler incongru de qualifier un roman noir ainsi, mais c’est vraiment désopilant.

Bandidos – Marc Fernandez (314 pages)

Quel plaisir de retrouver la joyeuse petite bande Diego, Isabel, Lea, Ana, David, Pablo et Nicolas !

Comme toujours, Marc Fernandez prend un prétexte historique et/ou politique pour dérouler l’histoire de son thriller : Après les bébés volés en Espagne (Mala Vida) et la tentative d’assassinat du dictateur Pinochet et l’opération Condor qui en a résulté pour traquer les opposants au régime dans le monde entier (Guerilla Social Club), c’est cette fois l’assassinat d’un journaliste photographe vingt ans auparavant et donc la liberté de la presse qui est le point de départ.

Entre Buenos Aires et Madrid, l’enquête va mettre en avant un climat social toujours tendu dans cette partie du monde, avec une police parfois corrompue (les bandidos du titre), et un phénomène existant partout : la folie de l’information immédiate, à sensation véhiculée par les réseaux sociaux et les chaînes d’info continue avec une qualité qui laisse parfois à désirer. Palpitant.